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338 AU ROI

VOUS, être aux droits dos Huns et des Bourguignons qui étaient venus conquérir les bords de la Saône et du Doubs, etqui avaient rendu les peuples esclaves par le fameux droit du plus fort. Les peuples, qui n'avaient rien à perdre que leurs corps, s'enfuirent tous à la première tentative de Jean de Châlons-Arlai, premier du nom,

Jean de Châlons-Arlai second, son fils, voyant la sottise bar- bare de son père, qui s'était privé de vassaux utiles, les rappela en 1350 par une chartre du 13 janvier. Il se désiste dans cette chartre i de tous droits de servitude et de mainmorte. Il se ré- serve seulement les droits seigneuriaux de la dîme et des lods et ventes.

Voilà donc une moitié des terrains usurpés par vous évidem- ment aft'ranchie de la servitude imposée par les Huns et les Bourguignons, qui ne vous ont certainement pas transmis, à vous, moines de saint Benoît, le droit sanguinaire qu'ils n'ont jamais exercé eux-mêmes dans cette partie du monde inacces- sible à tous les conquérants, excepté à des moines. Venons à l'autre partie.

Vous aviez usurpé un autre désert qui s'étend jusqu'aux fron- tières de Suisse, C'est le pays qui se nomme aujourd'hui Lons- Chaumois, Orcière, la Mouille, Morez, les Rousses. C'est là que Sa Majesté bienfaisante, qui règne aujourd'hui pour le bonheur de la nation, s'est proposé d'ouvrir un chemin à travers les plus effrayantes montagnes, pour communiquer de Lyon, de la Bresse, du Bugey, du Val-Romey, et du pays de Gex à la Franche-Comté, sans passer par la Suisse, Les habitants de ces montagnes, qui sont tous laborieux et commerçants, vont voir un nouveau ciel dès que ce grand projet, digne du meilleur des rois, sera rem- pli. Mais ne le verraient-ils qu'en esclaves, et en esclaves de moines? Plus le roi les mettrait à portée de connaître d'autres humains, plus la comparaison qu'ils feraient des autres sujets du roi à eux leur rendrait leur sort insupportable. Ils diraient : « A quatre pas de nous les heureux sujets du roi sont libres, et nous portons les fers de saint Claude ! » Mais à quel titre portons-nous ces fers?

Nous conjurons Sa Majesté, nous conjurons le conseil de faire attention à une chose dont ils seront étonnés. Les moines s'étaient

1. Cette chartre et celle de 126G sont rapportées dans VHistoire de Pontarlier, par M. Droz, conseiller au parlement de Besançon, pages 129 et 130. Les cha- noines de Saint-Claude ont dans leurs archives les originaux de ces titres, {Note de Voltaire.)

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