Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome28.djvu/376

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

366 TRADUCTION DU POEME

III.

Pendant que son âme matérielle se livrait à des songes flat- teurs entre deux Géorgiennes aux yeux noirs, arrachées par ses eunuques aux bras de leurs mères pour assouvir ses désirs sans amour, le génie de la Russie a déployé ses ailes brillantes ; il a fait entendre sa voix, de la Neva au Pont-Euxin, dans la Sar- matie, dans la Dacie, au bord du Danube, au promontoire du Ténare, aux plaines, aux montagnes où régnait autrefois Ménélas. Il a parlé, ce puissant génie, et les barbares enfants du Tur- questan ont partout mordu la poussière. Stamboul tremble; la cognée est à la racine de ce grand arbre qui couvre l'Europe, l'Asie et l'Afrique, de ses rameaux funestes. Et vous resteriez tran- quilles! Vous, princes, tant de fois outragés par cette nation farouche, vous dormiriez comme Mustapha, fils de Mahmoud !

��Jamais peut-être on ne retrouvera une occasion si belle de renvoyer dans leurs antiques marais les déprédateurs du monde. La Servie tend les bras au jeune empereur des Romains \ et lui crie : « Délivrez-moi du joug des Ottomans. » Que ce jeune prince, qui aime la vertu et la gloire véritable, mette cette gloire à ven- ger les outrages faits à ses augustes ancêtres; qu'il ait toujours devant les yeux Vienne assiégée par un vizir-, et la Hongrie dévastée pendant deux siècles entiers !

V. Que le lion de saint Marc ne se contente pas de se voir avec complaisance à la tête d'un Évangile; qu'il coure à la proie; que ceux qui épousent tranquillement la mer ^ toutes les années fendent ses flots par les proues de cent navires; qu'ils repren- nent l'île consacrée à Vénus, et celle où Minos dicta ses lois, oubliées pour les lois de VAlcoran. VI.

La patrie des Thémistocle et des Miltiade secoue ses fers en voyant planer de loin l'aigle de Catherine; mais elle ne peut en- core les briser. Quoi donc ! n'y aurait-il en Europe qu'un petit peuple ignoré, une poignée de Monténégrins, une fourmilière

��1. Joseph II, élu roi des Romains en 1704, était né en 1741, et fut empereur d'Allemagne en 17C5.

2. En 1683; voyez tome XIII, page GOl.

3. Voyez tome XX, page 335.

�� �