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À L’OCCASION D’UN PANÉGYRIQUE.

posé de publier une croisade contre les Turcs ; mais cette croisade devait nécessairement être dirigée contre l'empire chrétien de Constantinople. On ne pouvait rétablir l'Église latine en Asie que sur les ruines de la grecque, sa rivale éternelle ; et on ne pouvait écraser cette Église qu'en prenant Constantinople.

Urbain II eut le même dessein. C'est cet Urbain II qui aggrava la persécution commencée par Grégoire VII contre le grand et infortuné empereur Henri IV i; c'est lui qui arma le fils contre Je père, et qui sanctifia ce crime ; c'est lui qui, né sujet du roi de France Philippe U-", osa excommunier son souverain dans la France même où il prêcha la croisade.

Le dessein était si bien pris de s'emparer de Constantinople que l'évêque Monteil, légat du pape et guerrier, voulut absolu- ment qu'on commençât l'expédition par le siège de cette capitale, et qu'on exterminât les chrétiens grecs avant d'aller aux Turcs, Le comte Boemondo, qui était dans le secret, n'eut jamais d'autre avis. Hugues, frère du roi de France, n'ayant ni troupe ni argent, ayant hautement soutenu ce projet, fut assez imi)ru(lent pour aller faire une visite à l'empereur Alexis Gomnène, qui le fit arrêter, et qui eut ensuite la générosité de le relâcher. Enfin ce Golîredo, qui n'était point du tout le chef des croisés, comme on l'a cru, attaqua les faubourgs de la ville impériale, col sennoe con la mauo,\^our son premier exploit; mais, trop heureux de faire sa paix avec l'empereur, il obtint enfin la permission d'aller à Jéru- salem, dont le comte de Toulouse et le prince de Tarente lui ouvrirent le chemin par la prise ou plutôt par la surprise d'An- tioche. En un mot, le but de cette croisade était si bien de se saisir de l'empire grec que les croisés s'en emparèrent en 120/|, et en furent les maîtres pendant environ cinquante ans.

Si tout cela fut juste, je m'en rapporte à Grotius, De Jure belli et pacis.

Alors les papes se virent élevés à ce point de grandeur dont les califes descendaient. Ges califes avaient commencé par porter le glaive et l'encensoir : les papes, qui commencèrent par l'encen- soir, se servirent ensuite du glaive des princes. S'ils s'en étaient armés eux-mêmes, ils auraient peut-être, à l'aide du fanatisme de ces temps, réuni sous leurs lois les empires d'Orient et d'Oc- cident du même bras dont ils terrassaient Henri IV, Frédéric lîarberousse, et Frédéric II ; mais ils restèrent dans Rome, et ils ne combattirent qu'avec des bulles.

1. Voyez tome XIII, page 302. 28. — MÉLA^GF.s, VII. 3G

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