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DE L’EMPEREUR JULIEN.

usages et des préceptes des Juifs ; secondement, parce que les Juifs sacrifient aujourd’hui en secret, et qu’ils se nourrissent encore de victimes ; qu’ils prient avant d’offrir les sacrifices, et qu’ils donnent l’épaule droite des victimes à leurs prêtres. Mais comme ils n’ont point de temples, d’autels, et de ce qu’ils appellent communément sanctuaire, ils ne peuvent point offrir à leur Dieu les prémices des victimes. Vous autres, Galiléens, qui avez inventé un nouveau genre de sacrifices, et qui n’avez pas besoin de Jérusalem, pourquoi ne sacrifiez-vous donc pas comme les Juifs, chez lesquels vous avez passé en qualité de transfuges ? Il serait inutile et superflu si je m’étendais plus longtemps sur ce sujet, puisque j’en ai déjà parlé amplement, lorsque j’ai voulu prouver que les Juifs ne diffèrent des autres nations que dans le seul point de la croyance d’un Dieu unique. Ce dogme, étranger à tous les peuples, n’est propre qu’à eux. D’ailleurs toutes les autres choses sont communes entre eux et nous, les temples, les autels, les lustrations, plusieurs cérémonies religieuses ; dans toutes ces choses nous pensons comme les Hébreux, ou nous différons de fort peu de chose en quelques-unes.

Pourquoi, Galiléens, n’observez-vous pas la loi de Moïse dans l’usage des viandes ? Vous prétendez qu’il vous est permis de manger de toutes, ainsi que de différentes sortes de légumes. Vous vous en rapportez à Pierre, qui vous a dit[1] : « Ne dis point que ce que Dieu a purifié soit immonde. » Mais par quelle raison le Dieu d’Israël a-t-il tout à coup déclaré pur ce qu’il avait jugé immonde pendant si longtemps ? Moïse, parlant des quadrupèdes, dit[2] : « Tout animal qui a l’ongle séparé, et qui rumine, est pur ; tout autre animal est immonde. » Si, depuis la vision de Pierre, le porc est un animal qui rumine, nous le croyons pur ; et c’est un grand miracle si ce changement s’est fait dans cet animal après la vision de Pierre ; mais si, au contraire, Pierre a feint qu’il avait eu, chez le tanneur où il logeait, cette révélation (pour me servir de vos expressions), pourquoi le croirons-nous sur sa parole, dans un dogme important à éclaircir ? En effet, quel précepte difficile ne vous eût-il pas ordonné si, outre la chair de cochon, il vous eût défendu de manger des oiseaux, des poissons, et des animaux aquatiques, assurant que tous ces animaux, outre le cochon, avaient été déclarés immondes et défendus par Dieu ?

Mais pourquoi m’arrêter à réfuter ce que disent les Galiléens,

  1. Act., x, 15. (Note de Voltaire.)
  2. Lévit., xi ; et Deut., xiv. (Id.)