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ET SUR LE GÉNÉRAL LALLY.
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Tous les anciens habitants de l’Inde sont restés fidèles au culte et aux usages des brames, usages consacrés par le temps, et qui sont, sans contredit, ce qu’on connaît de plus ancien sur la terre.

Il reste encore dans cette partie de l’Inde quelques-uns de ces antiques monuments échappés aux ravages du temps et des révolutions ; ils exerceront encore longtemps la curieuse sagacité des philosophes. La pagode de Shalembroum est de ce nombre ; elle est située à deux lieues de la mer et à dix de Pondichéry ; on la croit antérieure aux pyramides d’Égypte : les savants appuient cette opinion sur ce que les inscriptions de ce temple sont dans une langue plus ancienne que le Hanscrit, qui aujourd’hui n’est presque plus entendu ; or, les premiers livres écrits dans la langue sacrée du Hanscrit ont environ cinq mille ans d’antiquité, selon M. Holwell : donc, disent-ils, le monument de Shalembroum est beaucoup plus ancien que ces livres.

Mais c’est à Bénarès, sur le Gange, que sont les ouvrages les plus anciens des hommes, si on en veut croire les brames, qui exagèrent probablement. Les figures du lingam, et la vénération qu’on a pour elles dans ces temples, sont encore une preuve de l’antiquité la plus reculée. Ce lingam est l’origine du phall ou phallus des Égyptiens, et du priape des Grecs.

On prétend que ce symbole de la réparation du genre humain ne put obtenir un culte que dans l’enfance d’un peuple nouveau, qui habitait en petit nombre les ruines de la terre. Il est probable qu’on ne peut exposer ces figures aux yeux, et les révérer, que dans les temps d’une simplicité innocente qui, loin de rougir des bienfaits des dieux, osait les en remercier publiquement. Ce qui fut d’abord un sujet de culte devint ensuite un sujet de dérision, quand les mœurs furent plus raffinées. Peut-être, en respectant dans les temples ce qui donne la vie, était-on plus religieux que nous ne le sommes aujourd’hui en entrant dans nos églises, armés en pleine paix d’un fer qui n’est qu’un instrument d’homicide.

Le plus grand fruit qu’on peut retirer de ces longs et pénibles voyages, n’est ni d’aller tuer des Européans dans l’Inde, ni de voler des raïas qui ont volé les peuples, et de s’en faire donner l’absolution par un capucin transporté de Bayonne à la côte de Coromandel ; c’est d’apprendre à ne pas juger du reste de la terre par son clocher.

Il y a encore une autre race de mahométans dans l’Inde : c’est celle des Arabes qui, environ deux cents ans après Mahomet, abordèrent à la côte de Malabar ; ils subjuguèrent avec facilité