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FRAGMENTS HISTORIQUES SUR L’INDE,

Les Anglais possédaient au nord de Golconde la petite ville de Calcutta, bâtie par eux sur le Gange dans le Bengale, province qui passe pour la plus belle, la plus riche et la plus délicieuse contrée de l’univers. Pour les Français, ils avaient Chandernagor, et un autre petit comptoir sur le Gange. C’est à Chandernagor que M. Dupleix commença sa grande fortune, qu’il perdit depuis. Il y avait équipé pour son compte quinze vaisseaux qui allaient dans tous les ports de l’Asie, avant qu’il fût nommé gouverneur de Pondichéry.

Les Hollandais ont la ville d’Ougli entre Calcutta et Chandernagor. Il est bien à remarquer que, dans toutes ces dernières guerres qui ont bouleversé l’Inde, qui ont mis les Anglais sur le penchant de leur ruine, et qui ont détruit les Français, jamais les Hollandais n’ont pris ouvertement de parti : ils ne se sont point exposés, ils ont joui tranquillement des avantages de leur commerce, sans prétendre former des empires. Ils en possèdent un assez beau à Batavia. On les vit agir en grands guerriers contre les Espagnols et les Portugais : mais dans ces dernières guerres, ils se sont conduits en négociants habiles.

Observons surtout que tant de peuples de l’Europe ayant de grands vaisseaux armés en guerre sur tous les rivages de l’Inde, il n’y a que les Indiens qui n’en aient point eu, si nous exceptons un seul pirate. Est-ce faiblesse et ignorance du gouvernement ? Est-ce mollesse, est-ce confiance dans la bonté de leurs vastes et fertiles terres, qui n’ont aucun besoin de nos denrées ? C’est tout cela ensemble.


ARTICLE XII.


CE QUI SE PASSAIT DANS L’INDE AVANT l’ARRIVÉE DU GÉNÉRAL LALLY. HISTOIRE D’ANGRIA ; ANGLAIS DÉTRUITS DANS LE BENGALE.


Ayant fait connaître, autant que nous l’avons pu dans ce précis, les côtes de l’Inde qui intéressent les nations commerçantes de l’Europe et de l’Asie, commençons par rendre compte d’un service que les Anglais leur rendirent à toutes.

Il y a cent ans qu’un Maratte nommé Conogé Angria, qui avait commandé quelques barques de sa nation contre les barques de l’empereur des Indes, se fit pirate ; et, s’étant retranché vers Bombay, il pilla indifféremment ses compatriotes, ses voisins, et tous les commerçants qui naviguaient dans cette mer. Il s’était aisément emparé sur cette côte de quelques petites îles qui ne