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FRAGMENTS HISTORIQUES SUR L’INDE,

« Pour les simples habitants, cinquante autres laks (douze millions).

« Pour les Maures et les Gentous au service des Anglais, vingt laks (quatre millions huit cent mille livres).

« Pour les Arméniens qui trafiquent à Calcutta, sept laks (seize cent quatre-vingt mille livres ; le tout faisant environ quarante-deux millions quatre cent quatre-vingt mille livres).

« Je payerai comptant, sans délai, toutes ces sommes, dès qu’on m’aura fait souba de ces provinces.

« L’amiral, le colonel et quatre autres officiers (qu’il nomme) pourront disposer de cet argent comme il leur plaira. »

Cet article était stipulé pour les mettre à couvert de tout reproche.

Outre ces présents, le souba, désigné par le colonel Clive, étendait prodigieusement les terres de la compagnie. M. Dupleix n’avait pas, à beaucoup près, obtenu les mêmes avantages quand il créait des nababs.

On ne voit pas que les officiers anglais aient juré ce traité sur l’Évangile ; peut-être ne s’en trouva-t-il point, et d’ailleurs c’était plutôt un billet au porteur qu’un traité.

Le souba Suraia-Doula, de son côté, envoyait des secours réels d’argent à MM. de Bussy et Lass, tandis que son rival ne donnait que des promesses. Il voulut faire tuer Jaffer, mais ce prince se faisait trop bien garder. L’un et l’autre, dans l’excès de leurs haines et de leurs défiances, se jurèrent sur l’Alcoran une amitié inviolable.

Le souba, trompé et voulant tromper, mena Jaffer contre la troupe anglaise, que nous n’osons appeler une armée. Enfin, le 30 juin 1756, la bataille décisive se donna entre lui et le colonel Clive[1]. Le souba la perdit : on lui prit son canon, ses éléphants, son bagage, son artillerie. Jaffer était à la tête d’un camp séparé. Il ne combattit point ; c’est la prudence des perfides. Si le souba était vainqueur, il s’unissait à lui ; si les Anglais l’emportaient, il marchait avec eux. Les vainqueurs poursuivirent le souba ; ils entrèrent après lui dans Maxadabad, sa capitale. Le souba s’enfuit, et fut errant misérablement pendant quelques jours. Le colonel Clive salua Jaffer souba des trois provinces, Bengale. Golconde et Orixa, qui composaient un des plus beaux royaumes de la terre.

Suraia-Doula, ce prince détrôné, fuyait seul, sans secours,

  1. Dans les plaines de Plassaje.