Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome29.djvu/175

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
165
ET SUR LE GÉNÉRAL LALLY.

colonne de feu marchait devant son armée pendant la nuit ; il écrivait ses lois en chemin sur des tables de marbre ; il traversait à pied la mer Rouge avec une multitude d’hommes, de femmes et d’enfants ; d’un coup de baguette il faisait jaillir d’un rocher une fontaine de vin ; il arrêtait à la fois d’un seul mot la lune qui marche et le soleil qui ne marche pas. Toutes ces merveilles peuvent être des figures emblématiques ; mais il est difficile d’en pénétrer le sens. C’est ainsi que, longtemps après, quand les Grecs ayant équipé un vaisseau pour aller trafiquer en Mingrélie, leurs prophètes poëtes embellirent cette entreprise utile en y mêlant des oracles, des miracles, des demi-dieux, des héros et des prostituées, enfin des sages voyagèrent pour s’instruire.

Le premier qui soit connu pour être venu chercher la science dans l’Inde est l’un de ces anciens Zerdust que les Grecs appelaient Zoroastre ; le second est Pythagore. M. Holwell nous assure qu’il a vu leurs noms consacrés dans les annales des brachmanes, à la suite des noms des autres disciples venus à l’école de Bénarès sur la frontière septentrionale du Bengale. Ils ont aussi dans leurs registres le nom d’Alexandre ; mais il est parmi les destructeurs, tout grand homme qu’il était, et les Pythagore et les Zoroastre sont parmi les anciens précepteurs du genre humain qui étudièrent chez les brachmanes, et qui rapportèrent dans leur patrie le peu de vérités et la foule des erreurs qu’ils avaient apprises.

Nous avons déjà reconnu[1] que l’arithmétique, la géométrie, l’astronomie, étaient enseignées chez les brachmanes. Les douze signes de leur zodiaque et leurs vingt-sept constellations en sont une preuve évidente.

Les brachmanes connaissaient la précession des équinoxes de temps immémorial, et ils se trompèrent bien moins que les Grecs dans leur calcul : car ce mouvement apparent des étoiles était chez eux et est encore de cinquante-quatre secondes par an ; de sorte que cette période était pour eux de vingt-quatre mille ans, au lieu que les Grecs la firent de trente-six mille. Elle est chez nous de vingt-cinq mille neuf cent vingt ans ; ainsi les brachmanes se rapprochaient plus de la vérité que les Grecs, qui vinrent longtemps après eux.

M. Le Gentil, savant astronome, qui a demeuré quelque temps à Pondichéry, a rendu justice aux brames modernes, qui

  1. Voyez ci-dessus, page 108.