Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome29.djvu/25

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de Paris, comme à ceux de l’Université ; je dirai : Il se repentit, il fut fidèle à Louis XIV.

On a prétendu que Malagrida, et l’assassin du roi de Pologne, et ceux de deux autres grands princes[1], avaient une teinture de philosophie ; mais à l’examen cette accusation a été reconnue fausse.

Enfin, si nous remontons du temps présent aux temps antérieurs, dans les autres pays de l’Europe, nous trouverons que la philosophie ne fut soupçonnée par personne de l’assassinat de Farnèse, duc de Parme, batard du pape Paul III ; de l’assassinat de Galeas Sforze dans une église ; de l’assassinat des Médicis dans une autre église pendant l’élévation de l’eucharistie, afin que le peuple prosterné ne vît pas le crime, et que Dieu seul en fût témoin.

La philosophie ne fut point complice des assassinats et des empoisonnements nombreux commis par le pape Alexandre VI et par son batard César Borgia. Allez jusqu’au pape Sergius III : je vous défie de trouver aucun philosophe coupable du moindre trouble pendant tant de siècles où l’Italie fut troublée sans cesse.

On a vendu dans les États d’Italie, appartenants au roi d’Espagne, cette fameuse bulle de la cruzade, qui, moyennant deux réaux de plate, sauve une âme du feu éternel de l’enfer, et permet à son corps de manger de la viande le samedi. On trafiquait de cette autre bulle de la componende[2], qui permet aux voleurs de garder une partie de ce qu’ils ont volé, pourvu qu’ils en mettent une partie en œuvres pies ; mais cette bulle vaut dix ducats. On achetait des dispenses de tout, à tout prix. Les phrynés et les gitons triomphaient depuis Milan jusqu’à Tarente. Les bénéfices, institués pour nourrir les pauvres, se vendaient publiquement pour nourrir le luxe ; et les bénéficiers employaient le stylet et la cantarella contre les bénéficiers qui leur dérobaient leurs gitons et leurs phrynés. Rien n’égalait les débauches, les perfidies, les sacrilèges de certains moines. Cependant Galilée, le restaurateur de la raison, démontrait tranquillement le mouvement de la terre et des autres planètes dans leurs orbites elliptiques, autour du soleil immobile dans sa place au centre du monde et tournant sur lui-même.

Ô l’homme dangereux ! ô l’ennemi de tous les rois et du grand-duc de Toscane et de la sainte Église ! s’écrièrent les universités : le monstre ! il ose prouver que c’est la terre qui tourne, tandis

  1. Louis XV est un de ces grands princes.
  2. Voyez tome XVIII, page 46.