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FRAGMENT

magne et jusqu’à ses débauches. Nous nous sommes arrêté la balance à la main ; nous avons laissé marcher la foule, on nous a remarqué ; on a voulu nous arracher notre balance, et nous avons continué de peser le juste et l’injuste.

Nous n’avons pu encore découvrir quel droit avait Charlemagne sur les États de son frère, ni quel droit son frère et lui, et Pepin leur père, avaient sur les États de la race d’Ildovic ; ni quel droit avait Ildovic sur les Gaules et sur l’Allemagne, province de l’empire romain ; ni même quel droit l’empire romain avait sur ces provinces.

C’est immédiatement après Charlemagne que commença cette longue querelle entre l’empire et le sacerdoce, qui a duré, à tant de reprises, pendant plus de neuf siècles : guerre dans laquelle tous les rois furent enveloppés ; guerre tantôt sourde, tantôt éclatante, tour à tour ridicule et funeste, qui n’a semblé terminée que par l’abolition des jésuites, et qui pourrait recommencer encore si la raison ne dissipait pas aujourd’hui, presque partout, les ténèbres dans lesquelles nous avons été plongés si longtemps.


ARTICLE VIII.


D’une foule de mensonges absurdes qu’on a opposés
aux vérités énoncées par nous.


Nous nous servons rarement du grand mot certain : il ne doit guère être employé qu’en mathématiques, ou dans ces espèces de connaissances : je pense, je souffre, j’existe ; deux et deux font quatre. Cependant, si l’on peut quelquefois employer ce mot en fait d’histoire, nous crûmes certain, ou du moins extrêmement probable :

Que les premiers étrangers qui prirent et qui saccagèrent Constantinople furent les croisés, qui avaient fait serment de combattre pour elle ;

Que les premiers rois francs avaient plusieurs femmes en même temps, témoin Gontran, Caribert, Childebert, Sigebert, Chilpéric, Clotaire, comme le jésuite Daniel l’avoue lui-même ;

Que le comble du ridicule est ce qu’on a inséré dans l’histoire de Joinville, que les émirs mahométans et vainqueurs offrirent la couronne d’Égypte à saint Louis, leur ennemi, vaincu, captif, chrétien, ignorant leur langue et leurs lois ;

Que toutes les histoires écrites dans ce goût doivent être regardées comme celle des quatre fils Aymon ;