Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome29.djvu/316

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Les seigneur et dame de Ferney[1] leur ont fait bâtir des maisons commodes, où ils exercent leurs arts et leur commerce sous la protection de Sa Majesté.

Ce commerce se fait principalement en pays étranger, en Espagne, dans tout le Levant, dans le Nord, et jusqu’en Amérique. Il s’est tellement accru que le hameau de Ferney, qui n’était composé que de quarante-neuf habitants, est devenu un lieu considérable, possédant environ huit cents artistes qui font journellement entrer des espèces dans le royaume.

Leur bonne conduite sera attestée par le subdélégué de l’intendance de Gex, par les seigneurs et le curé du lieu. L’utilité de leurs travaux sera constatée par monsieur l’intendant de la province.

Nous n’avons point l’indiscrétion d’implorer de Votre Majesté des secours d’argent ; nous osons seulement réclamer les lettres patentes du roi Henri IV, données à Poitiers le 27 mai 1602, desquelles l’original est dans le dépôt des affaires étrangères.

Le second article de ces lettres patentes porte expressément que « tous les susdits de Genève demeurent exempts du demi pour cent de l’or et de l’argent et autres choses sujettes audit impôt, passant sur les terres de Sa Majesté ».

Nous sommes pour la plupart natifs de Genève ; nous avons quitté notre patrie pour être vos sujets : nous demandons, pour faire entrer des espèces dans votre royaume, la même grâce que Genève a obtenue pour en faire sortir.

Nous ne pouvons employer l’or qu’à dix-huit carats sur cette frontière, attendu que la ville de Genève n’en a jamais employé d’autre, et que l’or de l’Allemagne et de tout le Nord est encore à un plus bas titre.

Nous observons qu’en France plus l’or des montres et des bijoux serait à un titre pareil, plus il resterait de matière d’argent et d’or dans le royaume, ce qui serait une très-grande économie.

L’Espagne fut d’abord la seule puissance qui établit les fabriques d’or à vingt carats, parce que l’or est considéré en Espagne comme une production du pays, le roi d’Espagne étant possesseur des mines ; mais les autres États de l’Europe, n’attirant l’or et l’argent que par le commerce, sont intéressés à conserver chez eux le plus de métaux qu’il soit possible. Nous n’employons dans nos ouvrages que de l’or venant di-

  1. La dame de Ferney était Mme Denis.