Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome29.djvu/337

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à donner du ridicule à une nouvelle venue, il est sûr qu’elle est plus jolie qu’elles. »

Pendant ce temps-là on feuilletait, et le comte de C……[1] dit tout haut : « Sire, vous êtes trop heureux qu’il se soit trouvé sous votre règne des hommes capables de connaître tous les arts, et de les transmettre à la postérité. Tout est ici, depuis la manière de faire une épingle jusqu’à celle de fondre et de pointer vos canons ; depuis l’infiniment petit jusqu’à l’infiniment grand. Remerciez Dieu d’avoir fait naître dans votre royaume ceux qui ont servi ainsi l’univers entier. Il faut que les autres peuples achètent l’Encyclopédie, ou qu’ils la contrefassent. Prenez tout mon bien si vous voulez ; mais rendez-moi mon Encyclopédie.

— On dit pourtant, repartit le roi, qu’il y a bien des fautes dans cet ouvrage si nécessaire et si admirable.

— Sire, reprit le comte de C……, il y avait à votre souper deux ragoûts manqués ; nous n’en avons pas mangé, et nous avons fait très-bonne chère. Auriez-vous voulu qu’on jetât tout le souper par la fenêtre, à cause de ces deux ragoûts ? »

Le roi sentit la force de la raison ; chacun reprit son bien : ce fut un beau jour.

L’envie et l’ignorance ne se tinrent pas pour battues ; ces deux sœurs immortelles continuèrent leurs cris, leurs cabales, leurs persécutions : l’ignorance en cela est très-savante.

Qu’arriva-t-il ? les étrangers firent quatre éditions de cet ouvrage français, proscrit en France, et gagnèrent environ dix-huit cent mille écus.

Français, tâchez dorénavant d’entendre mieux vos intérêts.


fin de l’opuscule de l’encyclopédie.

  1. Cette initiale désigne le comte de Coigny.