Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome29.djvu/364

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que le tableau des maux qui en résultent ? Combien de maisons ruinées ! combien de pères, de femmes et d’enfants enlevés à leur famille, traduits de prison en prison, et qui gémissent encore dans les fers ! Combien de terres incultes, désertes et abandonnées !

Une situation si vraie et si déplorable a fait penser qu’il n’est point de moyen plus propre pour soulager ce petit pays, qui succombe sous le poids énorme de ses impôts et de ses charges, pour le mettre en état d’acquitter ses dettes, et pour le rendre bientôt aussi florissant qu’il est misérable, que de le détacher des cinq grosses fermes, de le réputer pays étranger, de lui accorder les immunités dont Genève jouit, de supprimer les bureaux et les employés de l’intérieur, de ne laisser subsister que ceux qui sont à l’entrée du pays, Gollonges, Lelex, Versoi et Myoux ; de diminuer le prix du sel, d’abandonner le produit du tabac, et enfin de lui rendre la même liberté de commerce dont il jouissait anciennement, et qui lui a été conservée par le traité qui le soumit à la monarchie française.

Ce projet n’est pas moins dans les intérêts de la ferme que dans ceux du pays.

La ferme n’a, dans le pays de Gex, que quatre sortes de produits : les traites, le tabac, les confiscations, et la gabelle.

Pendant les six années du bail de Julim à la terre, expiré au 1er octobre 1774, le bureau de Sacconnex, qui inquiète le plus les habitants du pays, a coûté à la ferme, en frais de régie, la somme de 5,028 livres, et n’a rendu que 4,522 livres : par conséquent, la dépense de ce bureau a excédé son produit de 506 livres.

Il en serait de même au bureau de Meirin, si sa perception s’était bornée aux simples droits des petites denrées et marchandises que les habitants du pays tirent de Genève pour leur consommation ; mais, depuis quelque temps, on y acquitte les marchandises qui traversent le fort de l’Écluse et qui entrent dans le royaume, et dont les droits s’acquitteraient également au bureau de Gollonges. — On peut mettre dans la même classe les bureaux de Gex et de Divonne.

Les uns et les autres ne servent qu’à occasionner de petites saisies, et qu’à tourmenter le pays, sans être d’aucun profit pour la ferme, à qui ils coûtent plus qu’ils ne rendent.

Il est donc évident que, dans l’arrangement proposé, il n’y a qu’à gagner pour la ferme sur l’objet des traites, puisque les bureaux de l’intérieur lui sont à charge.

Le tabac mérite d’autant moins d’attention que les ventes de l’entrepôt de Gex n’excèdent pas annuellement trois quintaux.