Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome29.djvu/366

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Pour désintéresser la ferme sur ces deux objets, et sur tous autres qu’elle pourrait encore faire valoir, le pays se soumet à lui payer annuellement, par forme d’indemnité, une somme de 15,000 livres, sous condition qu’elle fournira aussi annuellement au pays la quantité de 3,000 minots de sel de Peccais, à 6 livres le minot : ce qui formera encore pour la ferme, distraction faite de la valeur intrinsèque du sel et de la voiture, un bénéfice d’environ 9, 000 livres.

Ce sera donc 33,000 livres que le pays comptera annuellement à la ferme.

Voici les moyens qu’on peut employer pour remplir cet engagement.

Le sel que la France fournit à la république de Genève est revendu au peuple de cette ville un peu plus de 13 livres le minot. On revendra celui du pays de Gex 12 livres 10 sous, savoir : 6 livres pour le fermier, 6 livres pour la crue destinée aux intérêts des emprunts, au remboursement des capitaux, et aux frais des ponts et chaussées ; et 10 sous pour le loyer du grenier, déchet, et appointements du distributeur.

À l’égard des 15,000 livres qui manquent pour compléter les 33,000 livres revenant au fermier, il en sera fait une imposition sur tous les chefs de famille du pays, privilégiés et non privilégiés, à raison du nombre de personnes et de bestiaux que chacun aura : ce qui sera une taxe très-légère, en proportion du bénéfice qu’on trouvera dans la diminution du prix du sel, et des avantages inappréciables d’une liberté de commerce avec l’étranger.

En tenant le prix du sel au-dessous de celui de Genève et de la Suisse, on est d’autant plus assuré de la consommation des 3,000 minots, que les habitants ne seront plus tentés d’en acheter chez l’étranger ; qu’au contraire, l’étranger viendra s’en pourvoir dans le pays ; que personne ne s’en privera, et que personne n’en refusera plus à ses bestiaux, comme on est forcé de faire présentement.

Vainement craindrait-on que ce sel fût versé dans les provinces voisines : ce ne sera ni en Franche-Comté, où l’on ne consomme que du sel des salines de Salins et de Mont-Morot, reconnaissable par sa blancheur ; ni dans le Bugey, l’entrée de ces deux provinces étant gardée par le fort de l’Écluse, par les montagnes du Jura, par les bureaux et les brigades d’employés de Myoux, Lelex, Collonges, et Chézery.

Cette crainte serait d’ailleurs d’autant plus frivole qu’il est très-facile de prévenir l’abus et de prendre des précautions dans