Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome29.djvu/382

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Ces deux point sont des solécismes qu’on ne passerait pas à un écolier de basse classe.

Ce qui est pire qu’un solécisme, c’est la plate imitation de ces vers pleins de sel :

Avant lui Juvénal avait dit en latin
Qu’on est assis à l’aise aux sermons de Cotin.

C’est malheureusement l’âne qui veut imiter le petit chien caressé du maître.

Mais ce qu’il y a de plus impardonnable encore, c’est l’insolence d’insulter par leur nom deux académiciens d’un mérite distingué. Il s’est imaginé que Boileau ayant réussi, quoiqu’il eût insulté Quinault très-mal à propos, lui, Clément, réussirait de même en nommant et en dénigrant, à tort et à travers, tous les bons écrivains du siècle. Il devait sentir qu’il n’y a aucun mérite, mais beaucoup de honte et peut-être de danger, à dire des injures en mauvais vers.

Et moi, je ne pourrai démasquer la sottise !
Je ne pourrai trouver d’Alembert précieux.
Dorat impertinent, Condorcet ennuyeux.

Voilà certainement une grossièreté qu’on ne peut excuser : car il n’y a pas un homme de lettres dans Paris qui ne sache que le caractère de M. d’Alembert, dans ses mœurs et dans ses écrits, est précisément le contraire de l’affectation et du précieux.

Le peu que nous avons d’écrits de M. le marquis de Condorcet ne peut ennuyer qu’un ignorant, incapable de les entendre. C’est le comble de l’impertinence de dire, d’imprimer qu’un homme, quel qu’il soit, est un impertinent : c’est une injure punissable qu’on n’oserait dire en face, et pour laquelle un gentilhomme serait condamné à quelques années de prison. À plus forte raison une injure si grossière, si vague, si sotte, mais si insultante, dite publiquement par le fils d’un procureur à un homme tel que M. Dorat, est un délit très-punissable.

Dorat, dont vous prônez le jargon en tout lieu,
Va-t-il, à votre gré, devenir un Chaulieu ?
Et, par vos bons avis, pensez-vous que Delille
Puisse autre chose enfin que rimer à Virgile ?

Voilà des sottises un peu moins atroces, et qui sentent moins l’homme de la lie du peuple. Mais il n’y a dans ces vers ni esprit,