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EXTRAIT


D’UN MÉMOIRE


pour l’entière abolition de la servitude en france.[1]




Regium munus est et monarcha dignum servos manumittere,
servitulis maculam delere, libertos natalibus restituere, non
successibiles facere succcessibiles, incapaces reddere capaces, et
intestabiles facere testabiles.

(Ferrant, de Privil. regni Franciœ.)

L’attention du gouvernement sur les progrès de l’agriculture, du commerce et de la population, nous est un sûr garant de sa faveur dans une affaire dont l’unique objet est d’assurer la propriété des terres et la liberté des mariages. Dans les derniers états généraux, la nation supplia Louis XIII d’abolir les restes honteux de l’esclavage sous lequel gémissaient autrefois presque tous les habitants des campagnes. Le parlement de Paris, secondant les désirs des états, restreint dans toutes les occasions un droit aussi humiliant en lui-même qu’il est contraire à la religion et aux bonnes mœurs ; et le règne d’un prince qui réunit à un amour éclairé de la justice le désir de faire le bonheur de ses peuples nous offre la circonstance la plus favorable pour obtenir enfin l’entière abolition de cette dernière trace des siècles de barbarie.

Les corps ecclésiastiques se sont toujours montrés les plus empressés à s’arroger ce droit odieux de servitude, à l’étendre au delà de ses bornes, et à l’exercer avec plus de dureté. Les moines possèdent la moitié des terres de la Franche-Comté, et toutes ces terres ne sont peuplées que de serfs.

Au sein de la liberté et des plaisirs de la capitale, on aura peine à croire qu’il est encore des Français qui sont de la même condition que le bétail de la terre qu’ils arrosent de leurs larmes,

  1. Cet écrit paraît être de la fin de 1775. Il a beaucoup de rapports avec la lettre à Morellet, du 29 décembre 1775. (B. )