Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome29.djvu/477

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Tout le reste est dans ce goût : conciliera qui voudra le jésuite portugais Sémédo avec le jésuite allemand Kircher.

Les hérétiques disent que le voyage d’Olopuen à la Chine, conduit par les nuées bleues, n’approche pas encore du voyage de Notre-Dame de Lorette, qui vint depuis par les airs dans sa maison de Jérusalem en Dalmatie, et de Dalmatie à la Marche d’Ancône. Le jésuite Berthier a combattu vigoureusement, dans le Journal de Trévoux, en faveur d’Olopuen et de son aventure. Il se trouvera encore quelque Nonotte[1] qui prouvera la vérité de cette histoire, comme il s’en est trouvé d’autres qui ont démontré la translation de la maison de notre sainte Vierge.

Je dirais volontiers à ces messieurs, qui nous ont démontré tant de choses, ce que dit à peu près Théone à Phaéton dans l’opéra du phénix de la poésie chantante, que j’aime toujours, malgré ma robe :

Ah ! du moins, bonzes que vous êtes[2],
Puisque vous me voulez tromper,
Trompez-moi mieux que vous ne faites.

Ayez la bonté de me dire, monsieur, ce que vous aimez le mieux, ou ces belles imaginations, ou les nouveaux systèmes de physique. Les pères du concile de Trente ayant entendu discourir Dominico Soto et Achille Gaillard sur la grcàce, dirent que cela était admirable, mais qu’ils donnaient la préférence à leurs cuisiniers. Je crois que Dominico Soto et Achille Gaillard étaient dans la bonne foi, et même que leurs disputes ne brisèrent point les liens de la charité. Je ne dois ni ne puis penser autrement ; mais quand je viens à considérer tous les autres charlatanismes de ce monde, depuis les dogmes qui ont régné en Éthiopie jusqu’à l’immortalité du dalaï-lama au grand Thibet, et à la sainteté de sa chaise percée ; depuis le Xaca du Japon jusqu’aux anciens druides des Gaules et de l’Angleterre, je suis épouvanté. Je conçois bien que tant de joueurs de gobelets ont voulu se faire payer

  1. Ce Nonotte, dans un beau livre intitulé Erreurs de M. de Voltaire, a démontré l’authenticité de l’apparition du labarum à Constantin, la douce modération de ce bon prince, celle de Théodose, la chasteté de tous les rois de France de la première race, les sacrifices de sang humain offerts par Julien le Philosophe, le martyre de la légion thébaine, etc. C’était un régent de sixième fort savant, et un jésuite très-tolérant, grand prédicateur, et d’un esprit fin, quoique profond. (Note de Voltaire.)
  2. Dans le Phaéton de Quinault, Théone dit à Phaéton, acte I, scène iii :

    Ah ! du moins, ingrat que vous êtes, etc.