Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome29.djvu/491

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dans la langue du Hanscrit des perfections différentes : ces perfections diverses, et cette subordination, produisirent dans les globes dont Dieu a rempli l’espace une harmonie et une félicité constante pendant plusieurs siècles.

Il est clair que ces idées, toutes sublimes qu’elles peuvent être, ne sont cependant qu’une image d’un bon gouvernement parmi les hommes : c’est le terrestre épuré et transporté au ciel. C’est encore ce que Platon a tant imité.

Enfin l’envie et l’ambition se saisissent du cœur de Moisazor et de ses compagnons : ils joignent les imperfections aux perfections ; ils pervertissent l’ouvrage de l’Éternel ; ils se révoltent contre les trois êtres supérieurs tirés de sa substance divine ; la discorde succède à l’harmonie ; le ciel se divise ; les génies fidèles qui ont conservé la perfection se déclarent contre les génies infidèles qui ont choisi l’imperfection. L’Éternel précipite Moisazor et les autres substances imparfaites et révoltées dans le globe des ténèbres, nommé l’Ondéra.

Voilà probablement l’origine de la guerre des Titans contre les dieux en Égypte ; de la destruction de Typhon, de la punition de Typhéeet d’Encelade enchaînés par les Grecs, en Sicile[1], sous le mont Etna. Un autre aurait dit : Voilà infailliblement, au lieu de voilà probablement. Car on sait que dès qu’un beau conte est inventé par une nation, il est vite copié par une autre : l’aventure d’Amphitryon et de Sosie est originairement de l’Inde ; on l’a déjà remarqué ailleurs[2].

Si on osait, on observerait encore que cette histoire, ou cette théogonie, ou cette allégorie, parvint jusqu’aux Juifs vers les temps d’Archélaüs et d’Agrippa : car c’est alors qu’il parut un livre juif sous le nom d’Ènoch, dans lequel il était fait mention de la révolte et de la chute des anges. On nous a conservé quelques passages de ce livre attribué à Enoch[3], septième homme après Adam. On y trouve que deux cents anges principaux, ayant l’archange Semexias à leur tête, se liguèrent ensemble sur le mont Hermon pour aller voler les hommes et pour violer les filles. Le Seigneur ordonna à Michaël de lier le capitaine Semexias, et à Gabriel de lier Azazel le lieutenant : ils furent jetés avec leurs soldats dans le lieu d’obscurité, comme y avaient été jetés les génies désobéissants du Shastabad. C’est même à cette chute des

  1. Voyez l’abrégé de l’Histoire de l’Inde, à la suite de la catastrophe du général Lally. (Note de Voltaire.) — Voyez page 173.
  2. Voyez page 186.
  3. Voyez tome XVII, page 301.