Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome29.djvu/523

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sacrilège, commis par le plus proche parent de Moïse, ne nous induit-il pas à croire qu’il s’agissait de le venger d’une cabale des princes d’Israël et des princes de Madian, soulevée contre le législateur ? C’est ce que je laisse à juger par tout homme éclairé et impartial.

XII. — Remarque sur le prince Zamri et sur la princesse Cosi, massacrés en se caressant.

À peine ce jeune prince et cette jeune princesse sont si singulièrement assassinés, nubendi tempore in ipso[1], que les satellites de Phinée coururent assassiner vingt-quatre mille hommes du peuple, sans compter les princes : Occisi sunt, qu’en dites-vous ? Je ne sais pas ce que mon ami en a dit : il me mande que vous le citez à faux ; je n’ai point vu, en effet, dans ses ouvrages le passage que vous lui imputez. Laissez-moi justifier mon ami, et pleurer sur ce pauvre prince et sur cette pauvre princesse, massacrés en faisant l’amour. Si vous ne les avez jamais pleures, je vous plains. Un de vos plaisants de Paris m’exhorte à me consoler, en me disant que tout cela n’est peut-être pas vrai : ce plaisant me fait frémir.

XIII, — Quel scribe écrivit ces choses.

Ce mauvais plaisant, monsieur, m’empêche de discuter avec vous quel scribe a écrit le premier vos volumes juifs, dans quel temps ils ont été écrits, s’ils ont tous été dictés par le Saint-Esprit, si jamais il ne s’est trouvé de Juif qui ait écrit sans être inspiré, comme ont fait probablement Flavien Josèphe, Philon, Onkelos, Jonathan, et les auteurs du Talmud, et mon ami Éphraïm, juif d’un grand roi, plus brave que votre David, et plus éclairé que votre Salomon.

Dieu me garde, monsieur, de marcher avec vous sur ces charbons ardents, cachés sous des cendres trompeuses[2] ! C’est à vous d’examiner quelle raison avait le grand Newton pour décider que le Pentateuque fut composé par Samuel, tandis que plusieurs autres savants le croient rédigé tel qu’il est par Esdras ; pour moi ; je n’ose entrer dans cette querelle ; il y a des choses qu’on dit hardiment en Angleterre, et qu’il serait dangereux peut-être de

  1. Lucrèce, I, 99.
  2. Suppositos cineri doloso, a dit Horace, livre II, ode' i, vers 8.