Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome29.djvu/526

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Vous savez combien de livres de magie vos pères ont attribués à Salomon : votre historien Flavien Josèphe en cite quelques-uns dans son livre huitième, et il ajoute qu’il a vu lui-même opérer des guérisons miraculeuses avec ces recettes. Je puis vous assurer, messieurs, et tout ce qui m’entoure sait, que plus d’un seigneur espagnol m’a écrit, et fait écrire, pour céder la Clavicule de Salomon, qu’on leur avait dit être en ma possession. Il y a de vieilles erreurs qui durent bien longtemps ; le genre humain a obligation à ceux qui le détrompent.

Au reste, si quelques pauvres femmes juives ont eu la bêtise de se croire sorcières, et si autrefois il s’en trouva qui eurent la faiblesse d’imiter Philyre et Pasiphaé, et de prodiguer leurs charmes à ceux qui sont appelés les velus dans le Lévitique, que vous importe ? Cela ne doit pas plus vous intéresser que les sorcières des bords du Rhin, qui voulurent immoler les ambassadeurs de César, n’intéressent aujourd’hui les très-aimables princesses qui sont l’honneur de ce pays.

XVI. — Silence respectueux.

Vous exigez, monsieur, que je vous dise pourquoi Dieu a donné plus de préceptes à Abraham qu’à Noé, et que je vous développe si Dieu ne peut pas donner de nouvelles lois suivant les temps et les besoins. Je vous réponds que je ne suis ni assez fort ni assez hardi pour avoir un sentiment sur une question si épineuse. Je crois que Dieu peut tout, et mon ami ne vous fera pas d’autre réponse.

Je pense que vous ne me répondriez pas davantage si je vous demandais pourquoi non-seulement le nom de Noé, mais le nom de tous ses ancêtres, ont été ignorés de la terre entière jusqu’à nos Pères de l’Église[1]. Pourquoi n’y a-t-il pas un seul auteur parmi les Gentils qui ait jamais parlé d’Adam, le père du genre humain, et de Noé, son restaurateur ? Comment se peut-il faire que, dans une si nombreuse famille, il ne se soit pas trouvé un seul enfant qui se soit souvenu de son grand-père, excepté vous ? Pourquoi la Cosmogonie de Sanchoniathon, qui écrivait dans votre voisinage avant Moïse, est-elle absolument différente de celle de ce grand homme ? Vous savez tout ce qu’on peut dire : parlez, monsieur, car, pour moi, je ne dirai mot.

  1. Voyez la note, tome XXVI, page 202.