Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome29.djvu/546

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cette racine on attache un chien, qui, en voulant se débarrasser, arrache la plante, et meurt aussitôt. Après cela, on peut manier le barat sans péril. C’est avec cette plante qu’on chasse les démons infailliblement. »

Cette recette était si commune du temps de la personne infiniment respectable dont il faut bien que je vous parle malgré vous, que cette personne convient elle-même de l’efficacité du barat, et avoue que vous avez le pouvoir de chasser les diables.

Vous devez savoir qu’il y avait beaucoup de maladies diaboliques qu’on appelait sacrées[1] chez presque toutes les nations, et que l’on croyait guérir avec des exorcismes : telles étaient l’épilepsie, la catalepsie, les écrouelles. L’impuissance, qu’on appelait la maladie des Scythes, était surtout causée par des esprits malins qu’on exorcisait : c’est ce qu’on voit dans Pétrone, dans Apulée. Et il faut vous dire, mes chers juifs, que tous ces faux exorcismes ont enfin cédé à la puissance des nôtres, qui sont les seuls véritables. Je suis fâché de vous dire des choses si dures, mais c’est vous qui m’y forcez.

XXXVIII. — Des serpents enchantés.

Vous parlez d’enchanter les serpents. Vraiment, monsieur, rien n’est plus commun. Mon intime ami rapporte lui-même[2] le certificat d’un fameux chirurgien d’un village assez voisin de son château. Voici ce certificat :

« Je certifie que j’ai tué en diverses fois plusieurs serpents, en mouillant un peu avec ma salive un bâton ou une pierre, en donnant un petit coup sur le milieu du corps du serpent. 19 janvier 1772.

« Figuier, chirurgien, »

Il faut croire que ce chirurgien enchante les serpents avec sa salive. C’était l’opinion des anciens physiciens. Lucrèce dit dans son quatrième livre :

Est utique ut serpens hominis contacta saliva,
Disperit ac sese mandendo conficit ipsa.


Crachez sur un serpent, sa force l’abandonne,
Il se mange lui-même, il se dévore, il meurt.

  1. Voyez tome XI, page 136 ; XVIII, 336 ; XXVII, 334.
  2. Voyez tome XX, page 421.