Vous croyez qu’Abraham ayant fait passer sa belle femme pour sa sœur en Égypte, afin qu’il lui fût fait du bien à cause d’elle, selon le texte, on ne lui fit pas assez de bien en lui donnant beaucoup de bœufs, d’ânes, d’ânesses, de brebis, de chameaux, de serviteurs, et de servantes. Pour moi, je trouve que le roi d’Égypte le paya très-bien, et que vous êtes trop cher.
Vous dites donc, monsieur, qu’il faut de l’argent comptant au mari d’une belle dame, et que le présent du roi n’était que celui d’un coq de village ? Cependant des troupeaux de chameaux, de bœufs et d’ânes, des esclaves de l’un et de l’autre sexe, valent beaucoup d’argent. Vous vous plaignez qu’autrefois on ait imprimé, je ne sais où, chevaux[1] pour chameaux : voilà bien de quoi crier ; un beau cheval coûte autant et plus même qu’un chameau.
Mon ami, dites-vous, pense que les pyramides étaient déjà bâties[2] : de là vous concluez que le roi d’Égypte devait donner au mari de la belle Sara des sacs énormes de guinées, de la vaisselle d’or et des diamants. Doucement, monsieur ; il y avait dans ce temps-là de belles pierres pour bâtir des pyramides, et point de monnaie d’or : tout le commerce se faisait par échange ; on n’avait encore fabriqué ni ducats ni guinées. Vous savez que la première monnaie d’or fut frappée sous Darius, fils d’Hystaspe, qui punit si bien les prêtres du collège de Zoroastre : allez, vous vous moquez ; le présent du roi était magnifique.
Vous êtes tout étonné que les Égyptiens aient été lâches, superstitieux, absurdes, très-méprisables, après avoir servi, en es-