Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome3.djvu/283

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car je l’ai élevée comme une princesse. Elle va briller dans le monde, elle enchantera ; ça me fera honneur ; on dira : On voit bien que Mme Michelle y a donné tous ses soins ; car Mlle Gotton est d’une douceur, d’une politesse !… (Elle appelle à haute voix Mlle Gotton.) Mademoiselle Gotton ! mademoiselle Gotton !


Scène V.

GOTTON, MADAME MICHELLE.


GOTTON.

Eh bien ! qu’est-ce ? brailleras-tu toujours après moi, éternelle duègne ? et faut-il que je sois pendue à ta ceinture ? Je suis lasse d’être traitée en petite fille, et je sauterai les murs au premier jour.

MADAME MICHELLE.

Eh ! la, la, apaisez-vous : je n’ai pas de si méchantes nouvelles à vous apprendre, et on ne voulait pas vous traiter en petite fille ; on voulait vous parler d’un mari ; mais puisque vous êtes toujours bourrue…

GOTTON.

Aga, avec votre mari ; ces contes bleus-là me fatiguent les oreilles, entendez-vous, madame Michelle ? Je crois aux maris comme aux sorciers ; j’en entends toujours parler, et je n’en vois jamais. Il y a deux ans qu’on se moque de moi, mais je sais bien ce que je ferai : je me marierai bien sans vous, tous tant que vous êtes ; on n’est pas une sotte, quoiqu’on soit élevée loin de Paris, et Gotton ne sera pas toujours en prison ; c’est moi qui vous le dis, madame Michelle.

MADAME MICHELLE.

Tudieu ! comme vous y allez ! Eh bien ! puisque je suis si mal reçue, adieu donc ; vous apprendra qui voudra les nouvelles de la maison. (Elle pleure.) Cela est bien dénaturé de traiter ainsi madame Michelle, qui vous a élevée.

GOTTON.

Va, va, ne pleure point ; je te demande pardon. Qu’est-ce que tu me disais d’un mari ?

MADAME MICHELLE.

Rien, rien ; je suis une duègne, je suis une importune : vous ne saurez rien.