Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome3.djvu/403

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M’immoler quand il parle est mon premier devoir,
Et mon obéissance a passé les limites,
Qu’à ce devoir sacré la nature a prescrites ;
Mes yeux n’ont jusqu’ici rien vu que par vos yeux,
Mon cœur changé par vous abandonna ses dieux.
Je ne regrette point leurs grandeurs terrassées
Devant ce dieu nouveau, comme nous abaissées :
Mais vous, qui m’assuriez, dans mes troubles cruels,
Que la paix habitait aux pieds de ses autels,
Que sa loi, sa morale et consolante et pure,
De mes sens désolés guérirait la blessure,
Vous trompiez ma faiblesse ! Un trait toujours vainqueur,
Dans le sein de ce dieu, vient déchirer mon cœur.
Il y porte une image à jamais renaissante,
Zamore vit encore au cœur de son amante.
Condamnez, s’il le faut, ces justes sentiments,
Ce feu victorieux de la mort et du temps,
Cet amour immortel ordonné par vous-même.
Unissez votre fille au fier tyran qui m’aime,
Mon pays le demande, il le faut, j’obéis :
Mais tremblez, en formant ces nœuds mal assortis ;
Tremblez, vous qui d’un dieu m’annoncez la vengeance,
Vous qui me condamnez d’aller en sa présence
Promettre à cet époux, qu’on me donne aujourd’hui,
Un cœur qui brûle encore pour un autre que lui.

Montèze.

Ah, que dis-tu ma fille ! épargne ma vieillesse
Au nom de la nature, au nom de la tendresse !
Par nos destins affreux que ta main peut changer,
Par ce cœur paternel que tu viens d’outrager,
Ne rends point de mes ans la fin trop douloureuse.
Ai-je fait un seul pas, que pour te rendre heureuse ?
Jouis de mes travaux ; mais crains d’empoisonner
Ce bonheur difficile où j’ai su t’amener.
Ta carrière nouvelle, aujourd’hui commencée,
Par la main du devoir est à jamais tracée.
Ce monde gémissant te presse d’y courir,
Il n’espère qu’en toi, voudrais-tu le trahir ?
Apprends à te dompter.

Alzire.

Faut-il apprendre à feindre ?
Quelle science, hélas !