Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome3.djvu/416

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Hélas ! Nos citoyens enchaînés en ces lieux,
Servent à cimenter cet asile odieux ;
Ils dressent d’une main dans les fers avilie,
Ce siège de l’orgueil et de la tyrannie.
Mais, crois-moi, dans l’instant qu’ils verront leurs vengeurs,
Leurs mains vont se lever sur leurs persécuteurs :
Eux-mêmes ils détruiront cet effroyable ouvrage,
Instrument de leur honte et de leur esclavage.
Nos soldats, nos amis, dans ces fossés sanglants,
Vont te faire un chemin sur leurs corps expirants.
Partons, et revenons, sur ces coupables têtes,
Tourner ces traits de feu, ce fer et ces tempêtes,
Ce salpêtre enflammé, qui d’abord à nos yeux
Parut un feu sacré, lancé des mains des dieux.
Connaissons, renversons cette horrible puissance,
Que l’orgueil trop long temps fonda sur l’ignorance.

Zamore.

Illustres malheureux ! Que j’aime à voir vos coeurs
Embrasser mes desseins, et sentir mes fureurs !
Puissions-nous de Gusman punir la barbarie !
Que son sang satisfasse au sang de ma patrie !
Triste divinité des mortels offensés,
Vengeance ! Arme nos mains, qu’il meure, et c’est assez,
Qu’il meure… mais hélas ! Plus malheureux que braves,
Nous parlons de punir et nous sommes esclaves.
De notre sort affreux le joug s’appesantit.
Alvarès disparaît, Montèze nous trahit,
Ce que j’aime est peut-être en des mains que j’abhorre :
Je n’ai d’autre douceur que d’en douter encore.
Mes amis, quels accents remplissent ce séjour ?
Ces flambeaux allumés ont redoublé le jour !
J’entends l’airain tonnant de ce peuple barbare :
Quelle fête, ou quel crime, est-ce donc qu’il prépare ?
Voyons si de ces lieux on peut au moins sortir ;
Si je puis vous sauver, ou s’il nous faut périr.