Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome3.djvu/438

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Le sang de ton époux rejaillit sur ton père :
Zamore au même instant dépouillant sa colère
Tombe aux pieds d’Alvarès, et tranquille, et soumis,
Lui présentant ce fer, teint du sang de son fils.
J’ai fait ce que j’ai du, j’ai vengé mon injure :
Fais ton devoir, dit-il, et vengé la nature.
Alors il se prosterne attendant le trépas.
Le père tout sanglant se jette entre mes bras ;
Tout se réveille, on court, on s’avance, on s’écrie,
On vole à ton époux, on rappelle sa vie,
On arrête son sang, on presse les secours
De cet art inventé pour conserver nos jours.
Tout le peuple à grands cris demande ton supplice,
Du meurtre de son maître il te croit la complice…

Alzire.

Vous pourriez !

Montèze.

Non, mon cœur ne t’en soupçonne pas.
Non, le tien n’est pas fait pour de tels attentats,
Capable d’une erreur, il ne l’est point d’un crime,
Tes yeux s’étaient fermés sur le bord de l’abîme.
Je le souhaite ainsi, je le crois, cependant
Ton époux va mourir des coups de ton amant.
On va te condamner, tu vas perdre la vie
Dans l’horreur du supplice, et dans l’ignominie,
Et je retourne enfin par un dernier effort,
Demander au conseil et ta grâce et ma mort.

Alzire.

Ma grâce ! à mes tyrans ! Les prier ! Vous, mon père !
Osez vivre, et m’aimer ; c’est ma seule prière.
Je plains Gusman, son sort a trop de cruauté,
Et je le plains surtout de l’avoir mérité.
Pour Zamore il n’a fait que venger son outrage.
Je ne peux excuser ni blâmer son courage.
J’ai voulu le sauver, je ne m’en défends pas,
Il mourra… gardez-vous d’empêcher mon trépas.

Montèze.

Ô ciel ! Inspire-moi, j’implore ta clémence.

(il sort. )