Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome3.djvu/574

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ARISTON.

A vous que j’aime.

NICODON, à part.

O ciel ! qu’ai-je fait, misérable !

ARISTON.

Mon fils, quelle douleur à mes yeux vous accable ?

NICODON, présentant les billets.

Reprenez…

CLITANDRE, à Ariston.

Son cœur parle, et sans nul intérêt
Il s’attendrit pour vous.

ARISTON, à Clitandre.

Et c’est ce qui me plaît :
D’un cœur noblement né c’est le vrai témoignage.

(A Nicodon.)

Tenez, prenez encor ce diamant, ce gage
Du bien qu’avec raison je vous ai destiné.

NICODON, en pleurs.

Hélas ! monsieur, je suis indigne d’être né.
Je vais… je vais d’ici, la tête la première,
Me jeter, loin de vous, au fond de la rivière.

ARISTON.

De sa naïveté mes sens sont pénétrés.

NICODON.

Si vous saviez, monsieur…

ARISTON.

Pauvre enfant, vous pleurez !

NICODON.

Je n’en peux plus, monsieur, il faut bien que je pleure ;
Je suis désespéré… Je m’en vais tout à l’heure…
Je vais… Reprenez tout, billets et diamant.
Je suis… Adieu, monsieur !

(Il pose tout sur les bras d’Ariston, et s’enfuit.)

ARISTON.

Mais il est fou vraiment.

CLITANDRE.

Pas si fou. Sa douleur, ce refus et ce trouble
Me donnent à penser, et mon soupçon redouble.

ARISTON.

Point, point ; les jeunes gens sont tous compatissants,
Leur cœur est tout de feu : c’est le lot des beaux ans.
L’âge endurcit notre âme ; hélas ! l’indifférence