Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome3.djvu/576

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Et qu’en prison soudain je vienne me remettre
Auprès de mon ami.

l’EXEMPT.

Je ne puis le permettre.

CLITANDRE.

Avec quel front d’airain et quelle dureté
Ces indignes humains traitent l’humanité !
Quoi ! mon cher Ariston, de vos bras on m’entraîne !

ARISTON.

L’inflexible Cléon m’avait promis sa haine :
Il me tient bien parole. Eh ! qui peut deviner
Où mon sort malheureux se pourra terminer ?
Adieu ! partons.

(L’exempt et les gardes emmènent Ariston. Cléon parait à leur rencontre.)


Scène V.


 
CLÉON, ARISTON, CLITANDRE, l’exempt, gardes

dans le fond, laquais et diverses personnes de la suite de Cléon.

CLÉON, à l’exempt et aux gardes.


(A Ariston.)

Cessez, arrêtez... Ah ! de grâce,
Venez, cher Ariston, et que je vous embrasse.

CLITANDRE.

Quoi, c’est Cléon !

ARISTON.

Qui, vous !

CLITANDRE.

Rêvé-je ?

ARISTON, à Cléon.

Hélas ! monsieur.
Venez-vous insulter au comble du malheur ?

CLÉON.

Non, non : nul n’est ici malheureux que moi-même.
Moi, que l’on a trompé, qui reviens, qui vous aime ;
Moi, qui dans mon erreur ai pu vous outrager.
Qui de moi-même enfin demande à me venger.
Hélas ! je ne pourrai réparer de ma vie
Un trait si détestable et tant de calomnie.

ARISTON, à part.


O ciel ! que tout ceci me touche et me surprend !