Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/121

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Et voici qu’un des israëlites était entré dans un bordel des madianites à la vue de Mosé et de tous les enfans d’Israël, qui pleuraient à la porte du tabernacle [1]. Ce que Phinée fils d’éléazar fils d’Aaron, ayant vu, il prit un poignard, entra dans le bordel et transperça l’homme et la femme par les génitoires ; et la plaie d’Israël cessa aussi-tôt ; et il y eut vingt-quatre mille hommes de tués. Et le seigneur dit à Mosé : Phinée fils d’éléazar, détourne ma colere… c’est pourquoi le sacerdoce lui sera donné par un pacte éternel [2].

    des anciens juifs. On voit, disent-ils, une armée innombrable d’hébreux, prête à tomber sur les ammonites et les madianites : un prophete est arrivé de cent cinquante lieues pour prédire une victoire complette à l’étoile de Jacob sur l’étoile de Moab et de Madian ; et voilà qu’au lieu de se battre le peuple juif se mêle familiérement aux peuples madianites et moabites ; ils couchent tout d’un coup avec leurs filles, et ils adorent leur dieu Belphégor ; et cela sans que la paix soit faite, sans treve, sans le moindre préliminaire ; rien ne paraît plus incroyable.

  1. le seigneur en colere commence par ordonner à Mosé de faire pendre tous les princes sans forme de procès, c’est-à-dire, de les attacher à des potences après les avoir tués : car les juifs n’avaient pas l’usage de pendre en croix les hommes vivants ; il n’y en a pas un seul exemple. Mosé va plus loin ; il ordonne que chacun tue tous ses parents qui ont sacrifié à Belphégor. Bel est le nom de Dieu dans toute la Syrie. Balac, ce chef des arabes moabites, a reconnu le dieu des juifs pour Dieu en parlant tout à l’heure à Balaam : il est donc probable que les hébreux et ces peuples avaient le même dieu. Mais il est très probable aussi qu’ils n’entendaient point par Belphégor l’Adonaï des hébreux. Les critiques ajoutent qu’il n’est pas possible qu’il y eût un lieu public de prostitution dans ce désert sablonneux, où il n’y a jamais eu que quelques arabes errants et pauvres ; que ces lieux de débauche n’ont jamais été connus que dans les grandes villes, où ils sont tolérés pour prévenir un plus grand mal.
  2. ces mêmes critiques continuent et disent, que cette nouvelle boucherie est aussi difficile à exécuter qu’à croire ; que ce Phinée aurait été le plus fanatique, le plus fou, et le plus barbare des hommes. Selon Flavian Joseph, le juif et la femme madianite étaient mariés. Les parties génitales des gens mariés étaient sacrées ; et le crime de l’assassin Phinée était exécrable. Si les juifs, au lieu de combattre contre Madian, épouserent sur le champ des filles de Madian, cela peut être absurde ; mais cela ne mérite pas qu’on empale deux époux par les parties sacrées, et qu’on massacre vingt-quatre mille innocents. De quel front Mosé, à l’âge de près de six-vingt ans, pouvait-il faire tuer vingt-quatre mille de ses compatriotes, pour s’être unis à des filles madianites, lui qui en avait épousé une, lui dont les enfans avaient un madianite pour grand-pere ! Quoi ! Encore une fois, Aaron apostat est fait sur le champ grand-prêtre, et vingt-quatre mille citoyens sont égorgés pour la chose la moins criminelle ! Et le sacerdoce, est donné éternellement à la race d’Aaron pour sa récompense ! Encore cette race d’Aaron n’eut-elle le sacerdoce que du temps de Salomon, et jusqu’aux maccabées. Une foule d’incrédules pensent que tout cela ne peut avoir été écrit que par quelque lévite très ignorant, qui compila au hazard ces absurdités en faveur de sa tribu, comme nos moines mendiants ont écrit les histoires de leurs fondateurs : nous regardons ces discours comme des blasphêmes ; mais nous sommes obligés de les rapporter. Don Calmet dit que Phinée crut que tout homme sage devait en user