Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/133

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la rive occidentale du Jourdain, et tous les rois cananéens qui possédaient les rivages de la grande mer (Méditerranée), ayant appris que le seigneur avait séché le Jourdain, eurent le cœur dissout ; tant ils craignaient l’invasion des fils d’Israël…

Or le seigneur dit à Josué : fais-toi des couteaux de pierre, et circoncis encore les enfans d’Israël[1] Josué fit comme le seigneur lui commanda, et circoncit tous les enfans d’Israël sur la colline des prépuces… car le peuple né dans le désert, pendant quarante années de marche dans ces vastes solitudes, n’avait point été circoncis… et ils furent circoncis par Josué, parce qu’ils avaient encore leur prépuce ; et ils demeurerent au même lieu jusqu’à-ce qu’ils fussent guéris… alors le seigneur dit à Josué : aujourd’hui j’ai ôté l’opprobre de l’égypte de sur vous[2]. Et ils firent la pâque le quatorzieme jour du mois dans la plaine de Jérico… et après qu’ils eurent mangé des fruits de la terre, la manne cessa.[3]

  1. puisque Dieu fit circoncire tout son peuple après avoir passé le Jourdain, il y eut donc six cents un mille combattans circoncis ces jours-là ; et si chacun eut deux enfans, cela fit dix-huit cents trois mille prépuces coupés, qui furent mis dans un tas dans la colline appellée des prépuces. Mais comment tous les géants de Canaan, et tous les peuples de Biblos, de Bérite, de Sidon, de Tyr, ne profiterent-ils pas de ce moment favorable pour égorger tous ces agresseurs affaiblis par cette plaie, comme les patriarches Siméon et Lévi avaient seuls égorgé tous les sichémites, après les avoir engagés à se circoncire ? Comment Josué fut-il assez imprudent pour exposer son armée, incapable d’agir, à la vengeance de tous ces géants et de tous ces rois ? C’est une réflexion du comte de Boulainvilliers. C’était, dit-il, une très grande imprudence ; il fallait attendre qu’on eût pris Jérico. Que dirait-on aujourd’hui d’un général d’armée, qui ferait prendre médecine à tous ses soldats devant l’ennemi ? Nous lui disons que Josué ne fesait pas la guerre selon les regles de la prudence humaine, mais selon les ordres de Dieu. Et d’ailleurs tous les géants et tous les rois pouvaient très bien ignorer ce qu’on fesait dans le camp des israëlites.
  2. Quelque peine que les commentateurs aient prise, pour expliquer comment les prépuces entiers des hébreux en Palestine étaient l’opprobre de l’égypte , nous avouons qu’ils n’ont pas réussi. Les égyptiens, n’étaient pas tous circoncis ; il n’y avait que les prêtres et les initiés aux mysteres qui eussent cette marque sacrée, pour les distinguer des autres hommes : mais Dieu voulut que tout son peuple eût cette même marque, parce que tout son peuple était saint, et que le moindre juif était plus sacré que le grand-prêtre de l’égypte.
  3. quelques commentateurs recherchent comment le petit pays de Jérico, qui ne produit que quelques plantes odoriférantes, et qui alors n’avait qu’un petit nombre de palmiers et d’oliviers, put suffire à nourrir une multitude affamée qui n’avait mangé que de la manne pendant si longtemps. On fait monter cette multitude à plus de quatre millions de personnes, si l’on compte vieillards, enfans et femmes. Mais il n’était pas plus difficile à Dieu de nourrir son peuple avec quelques dattes, qu’avec de la manne.