Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/157

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fasse une image sculptée jetée en fonte ; et voilà que je te le donne. Le fils rendit cet argent à sa mere, qui en prit deux cents pieces d’argent, qu’elle donna à un ouvrier en argent pour en faire un ouvrage de sculpture jeté en fonte, qu’on mit dans la maison de Michas. Il fit aussi un éphod et des téraphim, c’est-à-dire, des vêtements sacerdotaux et des idoles... il remplit la main d’un de ses enfants, et en fit son prêtre[1]. Il n’y avait point de roi alors en Israël, mais chacun fesait ce qui lui semblait bon. Il y eut aussi un autre jeune homme de Bethléem qui est en Juda, qui était son parent ; et il était lévite, et il habitait dans Bethléem. Et étant sorti de Bethléem pour voyager et chercher fortune, quand il vint au mont éphraïm il se détourna un peu pour aller dans la maison de Michas... interrogé par Michas d’où il venait, il répondit : je suis lévite de Bethléem de Juda ; je cherche à habiter où je pourrai. Michas lui dit : demeure chez moi, tu me seras pere et prêtre ; je te donnerai par an dix pieces d’argent et deux tuniques avec la nourriture... et en ce temps-là il n’y avait point de roi en Israël...[2]. Et la tribu de Dan cherchait des terres pour y habiter...

  1. l’histoire de Michas semble entiérement isolée. Elle ne tient à aucun des événements précédents. On voit seulement qu’elle fut écrite du temps des rois juifs, ou après ces rois par quelque lévite, ou par quelque scribe. C’est une des plus singulieres du canon juif, et des plus propres à faire connaître l’esprit de cette nation avant qu’elle eut une forme réguliere de gouvernement. Nous ne nous arrêterons point à concilier les petites contradictions du texte. Mais nous remarquerons avec l’abbé Tilladet, que Michas et sa mere font des dieux, des idoles sculptées, et tombent précisément dans le même péché qu’Aaron et les israëlites, sans que le dieu d’Israël y fasse la moindre attention. Il croit que ce n’est point un lévite qui a écrit cette histoire, parce que, dit-il, s’il avait été lévite, il aurait marqué au moins quelque indignation contre un tel sacrilege. Le savant Fréret pense que chaque livre fut écrit en différents temps par différents lévites ou scribes, qui ne se communiquaient point leurs ouvrages ; et même que l’avanture de Michas peut fort bien avoir été écrite avant que la genese et l’exode fussent publics. Sa raison est qu’on trouve ici des avantures à-peu-près semblables à celles de l’exode et de la genese, mais beaucoup moins merveilleuses. Ce qui fait penser que l’auteur de la genese et de l’exode a voulu enchérir sur l’auteur de Michas. Ce sentiment du docte Fréret nous semble trop téméraire ; mais il est très vraisemblable que la horde juive, qui erra si longtemps dans les déserts et dans les rochers, se fit de petits dieux et de petites idoles mal sculptées avec des instruments grossiers, et que chaque famille avait ses idoles dans sa maison, comme Rachel avait les siennes. Ce fut l’usage de presque tous les peuples, comme nous l’avons déjà observé.
  2. selon Fréret cette histoire, très-curieuse, prouve que de tout temps il y eut des peres de famille qui voulurent avoir chez eux des especes de chapelains