Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/162

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alors tous les enfans d’Israël s’assemblerent comme un seul homme, depuis Dan jusqu’à Bersabée, devant le seigneur à Maspha. Et ils envoyerent des députés à toute la tribu de Benjamin pour leur dire : pourquoi avez-vous souffert un si grand crime parmi vous ? Livrez-nous les hommes de Gabaa coupables, afin qu’ils meurent. Les benjamites ne voulurent point écouter cette députation, mais ils vinrent de toutes leurs villes en Gabaa pour la secourir, et combattre contre tout le peuple d’Israël. Il y avait vingt-cinq mille combattants de la tribu de Benjamin outre ceux de Gabaa, qui étaient sept cents hommes très vaillants... et les enfans d’Israël étaient quatre cents mille hommes portant les armes[1]. Les enfans d’Israël marchant dès la pointe du jour, vinrent se camper près de Gabaa. Mais les enfans de Benjamin étant sortis de Gabaa tuerent en ce jour vingt-deux mille hommes des enfans d’Israël[2]. Et les enfans d’Israël monterent devant le seigneur et pleurerent

    sans exemple, et fait frémir. Il fallut donc envoyer douze messagers chargés de ces horribles restes. Mais où étaient alors ces douze tribus ? On croit que cette scene sanglante se passa pendant une des servitudes des juifs. Et puisque cette histoire du lévite est placée dans le canon après celle de Michas, il faut qu’elle soit du temps de la derniere servitude, qui dura quarante ans. Mais nous verrons dans ce systême une difficulté presque insurmontable.

  1. si cette aventure arriva durant la grande servitude de quarante ans, on est embarrassé de savoir comment les douze tribus s’assemblerent, et comment leurs maîtres le souffrirent. C’était naturellement aux possesseurs du pays qu’on devait s’adresser pour punir un crime commis chez eux. C’est le droit de tous les souverains, dont ils ont été extrêmement jaloux dans tous les temps. Le texte donne vingt-cinq mille combattants à la tribu de Benjamin qui prit le parti des coupables, et quatre cents mille combattants aux onze autres tribus. En supposant la population égale, chaque tribu aurait eu trente-cinq mille quatre cents seize soldats. Et en ajoutant les vieillards, les femmes et les enfants, chaque tribu devait être composée de cent quarante un mille six cents soixante et quatre personnes, qui font pour les douze tribus un million, six cents quatre-vingt-dix-neuf mille, neuf cents soixante et huit personnes. Or, pour qu’on tînt en servitude un nombre si prodigieux d’hommes, parmi lesquels il y en avait quatre cents vingt-cinq mille en armes, il aurait fallu au moins huit cents mille hommes en armes pour les contenir. Et comment les maîtres laissent-ils des armes à leurs esclaves ? Quand il est dit au livre des rois chap xiii, que les philistins ne permettaient pas aux juifs d’avoir un seul forgeron, de peur qu’ils ne fissent des épées et des lances, et que tous les israélites étaient obligés d’aller chez les philistins pour faire éguiser le soc de leurs charrues, leurs hoyaux, leurs cognées et leurs serpettes . Cette difficulté est grande. Nous ne dissimulons rien.
  2. on est encore étonné ici que le seigneur protegeât les benjamites qui étaient du parti le plus coupable, contre tous les israélites qui étaient du parti le plus juste.