Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/193

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paquets de raisins secs, et deux cents cabas de figues, et les mit sur des ânes. Abigaïl ayant aperçu David, descendit aussitôt de son âne, tomba sur sa face devant David et l’adora, et lui dit : que ces petits présents, apportés à monseigneur par sa servante pour lui et pour ses garçons, soient reçus avec bonté de monseigneur… David lui répondit : sois bénie toi même ; car sans cela, vive dieu, si tu n’étais venue promptement, Nabal ne serait pas en vie [ch. XXV, v.34], et il ne serait pas resté un de ses gens qui pût pisser contre les murailles. Or, dix jours après, le seigneur frappa Nabal ; et il mourut… Abigaïl monta vite sur son âne avec cinq servantes à pied ; et David l’épousa le jour-même[1]. David épousa aussi Achinoam ; et l’une et l’autre furent ses femmes. Saül, voyant cela, donna sa fille Michol, femme de David, à Phalti. David s’en alla avec six cents hommes [ch. XXVII, v.2] chez Achis, philistin, roi de Geth. Akis lui donna la ville de Ciceleg ; et David demeura dans le pays des philistins un an et quatre mois… il faisait des courses avec ses gens sur les alliés d’Achis à Gessuri, à Gerzi, chez les Amalécites. Il tuait tout ce qu’il rencontrait, sans pardonner ni à homme, ni à femme, enlevant brebis, bœufs, ânes, chameaux, meubles, habits, et revenait vers Achis[2].

  1. M. Huet continue et dit, que si on avait voulu écrire l’histoire d’un brigand, d’un voleur de grand chemin, on ne s’y serait pas pris autrement ; que ce Nabal, qui, après avoir été pillé, meurt au bout de peu de jours, et David qui épousa sur le champ sa veuve, laissent de violents soupçons. Si David, dit-il, a été selon le cœur de Dieu, ce n’est pas dans cette occasion. Nous confessons qu’aujourd’hui une telle conduite ne serait point approuvée dans un oint du Seigneur. Nous pouvons dire que David fit pénitence, et que cette aventure fut comprise dans les sept psaumes pénitentiaux implicitement. Nous n’osons prétendre que David fût impeccable.
  2. M. Huet remarque, que d’abord David contrefit le fou et l’imbécile devant le roi Achis, chez lequel il s’était réfugié. Ce n’est pas une excellente manière d’inspirer la confiance à un roi qu’on se propose de servir à la guerre ; mais la manière dont David sert ce roi son bienfaiteur est encore plus extraordinaire : il lui fait accroire qu’il fait des courses contre les Israélites, et c’est contre les propres amis de son bienfaiteur qu’il fait ces courses sanguinaires ; il tue tout, il extermine tout, jusqu’aux enfants, de peur, dit-il, qu’ils ne parlent. Mais comment ce roi pouvait-il ignorer que David combattait contre lui-même sous prétexte de combattre pour lui ? Il fallait que ce roi Achis fût plus imbécile que David n’avait feint de l’être devant lui. M. Huet déclare David et Achis également fous, et David le plus scélérat de tous les hommes. Il aurait dû, dit-il, parler de cette action abominable dans ses psaumes. On peut répondre à M. Huet, que David, dans cette guerre civile, ne portait