Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/215

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sagesse pour discerner justice, je ferai selon ton discours ; je te donne un cœur intelligent, de sorte que jamais homme, ni avant toi, ni après toi, n’aura été semblable à toi[1]. Mais je te donnerai, en outre, richesses et gloire que tu n’as point demandées ; de sorte que nul ne sera semblable à toi en gloire et en richesses. Salomon se réveilla ; et il vit que c’était un songe. Salomon[2] avait donc sous sa domination tous les royaumes depuis l’Euphrate jusqu’aux philistins et à la terre d’égypte. Et il y avait pour la nourriture de Salomon, chaque jour, trente muids de fleur de farine, et soixante muids de farine commune, dix gros bœufs engraissés, vingt bœufs de pâturage, cent moutons, et grande quantité de cerfs, de chevreuils, de bœufs sauvages, et d’oiseaux de toute espece ; car il avait tout le pays au-delà du fleuve d’Euphrate depuis Tapsa jusqu’à Gaza[3]. Et Salomon avait quarante mille écuries pour les chevaux de ses chars, et douze mille chevaux de selle…[4]. Et

  1. c’est cependant immédiatement après cette foule de crimes que Dieu parle à Salomon. Dieu venir continuellement sur la terre pour s’entretenir avec des juifs ! Mais passons. Cette fois-ci Dieu n’apparaît à Salomon que dans un rêve : comment l’a-t-on su ? Il le dit donc à quelque autre juif ; et c’est sur la foi de cet autre juif qu’un scribe juif a écrit cette histoire singuliere ! Histoire fondée sur un rêve, comme toutes les avantures de Joseph et du pharaon sont fondées sur des rêves ! S’il se pouvait qu’un ministre du Dieu suprême fût descendu du haut des cieux pour dire à Salomon devant tout le peuple, demande à Dieu ce que tu veux, il te l’accordera, que Salomon lui eût demandé la sagesse, et que Dieu, en la lui donnant, y eût ajouté les trésors et la puissance, ce serait un très bel apologue : mais le rêve gâte tout.
  2. je dirai hardiment, que jamais Salomon, ni aucun prince juif, n’eut tous ces royaumes. Je ne ménage point le mensonge, comme ont fait mes deux prédécesseurs ; mon indignation ne me permet pas cette lâche complaisance. Qui jamais avait entendu dire que des juifs aient régné de l’Euphrate à la Méditerranée. Il est vrai que le brigandage leur valut un petit pays au milieu des roches et des cavernes de la Palestine depuis le désert de Bersabé jusqu’à Dan (voyez la lettre de st Jérôme) ; mais il n’est point dit que jamais Salomon ait conquis par la guerre une lieue de terrain. Le roi d’égypte possédait de grands domaines dans la Palestine ; plusieurs cantons cananéens n’obéissaient pas à Salomon : où est donc cette prétendue puissance ?
  3. ce pauvre Calmet, copiste de toutes les fadaises qu’on a compilées avant lui, a beau nous dire que les rois de Babylone nourrissaient tous leurs officiers : un roi juif était auprès d’un roi de Babylone, ce qu’était le roi de Corse Théodore en comparaison d’un roi d’Espagne, ou le roi d’Yvetot vis-à-vis un roi de France. Soixante et dix mille muids de farine et trente bœufs par jour ! En vérité cela ressemble aux cinq cents aunes de drap employées pour la braguette de la culotte de Gargantua.
  4. les quarante mille écuries de Salomon ne sont pas de trop, après les quatre-vingts dix mille muids de farine. Au reste, les commanetateurs permettent de prendre quarante mille juments, au lieu de quarante mille écuries. On peut choisir. (Id.)