Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/222

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à Roboam, fils de Salomon, roi de Juda, et à toute la maison de Juda et de Benjamin, disant : voici ce que commande le seigneur ; vous ne monterez point contre vos freres les enfants d’Israël ; que chacun s’en retourne chez soi ; car c’est moi qui ai dit cette parole. Ils écouterent tous ce discours de Dieu, et ils s’en retournerent comme le seigneur l’avait ordonné[1]… or Jéroboam fit bâtir Sichem dans les montagnes d’éphraïm… et il disait en lui-même : le royaume pourrait bien retourner à la maison de David ; si ce peuple monte en la maison du seigneur à Jérusalem, pour y sacrifier, le cœur de ce peuple se tournera à la fin vers Roboam roi de Juda ; ils me tueront et reviendront à lui. Donc, après y avoir bien pensé, il fit faire deux veaux dorés, et il dit à son peuple : gardez-vous de monter à Jérusalem ; voilà vos dieux qui vous ont tirés de l’égypte. Et il mit ces deux veaux, l’un à Béthel, et l’autre à Dan[2]. En même temps Addo le voyant , le prophete, l’homme de Dieu[3], vint de Juda en Béthel, quand Jéroboam était

  1. tous les bons critiques soupçonnent quelqu’un de ces Rabi, de ces Rhoë, de ces prophetes, d’avoir écrit tous ces livres juifs. L’auteur représente toujours un prophete prédisant l’avenir et disposant du présent : mais de quelle autorité ce juif inconnu, nommé Séméias, était-il donc revêtu, pour dissiper tout d’un coup une armée de cent quatre-vingts mille hommes ? Ce prophete-là n’était pas de la faction de Juda ; aussi n’était-il point compté parmi ceux qui ont prédit Jésu fils de Marie en Bethléem.
  2. nouvelle preuve que la religion judaïque n’était point fixée. Cette misérable nation juive change de culte à tout moment, depuis sa singuliere évasion d’égypte jusqu’au temps d’Esdras. Remarquez son goût pour les veaux d’or ou dorés. Il en coûta vingt-trois mille hommes pour le veau d’Aaron. Le seigneur Adonaï, ou Sadaï, ou Sabbahoth, ou Jéhova, ou Jhao, devait naturellement égorger quarante-six mille israélites pour les deux veaux de Jéroboam. Au reste, ce Jéroboam était fort sensé de ne vouloir pas que son peuple allât sacrifier en Jérusalem. Les rois de Perse ne souffrent pas que les persans aillent baiser la pierre noire à La Mecque ; et le roi de Prusse n’envoie point ses grenadiers demander des pardons à Rome.
  3. c’est l’historien Flavian Joseph qui appelle ce prophete Addo ; les sacrés cahiers ne le nomment pas. Le seigneur Adonaï donne à son prophete Addo un pouvoir plus qu’humain. Dès que le roitelet Jéroboam veut faire saisir ce prophete de malheur, sa main se seche, et son bras reste étendu, sans pouvoir remuer. Cependant Adonaï avait lui-même envoyé un autre prophete à ce même Jéroboam, pour lui donner dix parts en douze de ce beau royaume de quarante-cinq lieues de long sur quinze de large. Le miracle de cette main séchée est bien peu de chose en comparaison de la mer-Rouge fendue en deux, et du soleil s’arrêtant un jour entier sur Gabaon, comme la lune sur Ayalon. Mais nous verrons d’aussi beaux miracles, quand nous serons parvenus au temps du devin élie, et du roitelet Achab.