Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/23

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au-devant du jardin, et une épée flamboyante pour garder l’arbre de vie.

Et Adam connut sa femme Ève, qui conçut et enfanta Caïn, et ensuite elle enfanta son frère Abel.

Or Abel fut pasteur de brebis, et Caïn fut agriculteur.

Un jour il arriva que Caïn offrit à Dieu des fruits de la terre. Abel offrit aussi des premiers-nés de son troupeau, et de leur graisse ; et Dieu fut content d’Abel et de ses présents ; mais il ne fut point content de Caïn et de ses présents[1].

Et Caïn se mit fort en colère, et son visage fut abattu, et le Seigneur lui dit : Pourquoi es-tu en colère, et que ton visage est abattu ? Et Caïn dit à son frère Abel : Sortons dehors ; et Caïn attaqua son frère Abel et le tua[2] ; et Dieu dit à Caïn : Où est ton frère Abel ? Et Caïn lui répondit : Je n’en sais rien ; est-ce que je suis le gardien de mon frère ? …

Et Dieu dit à Caïn : Quiconque tuera Caïn sera puni sept fois ; et le Seigneur mit un signe à Caïn pour que ceux qui le trouveraient ne le tuassent pas[3].

    saints. Ces figures avaient deux faces, une d’homme, une de bœuf, et des ailes, des jambes d’homme, et des pieds de bœuf. Aujourd’hui les peintres nous représentent les chérubins avec des têtes d’enfant sans corps, et ces têtes ornées de deux petites ailes : c’est ainsi qu’on les voit dans plusieurs de nos églises. (Note de Voltaire.)

  1. Tous les anciens prêtres prétendirent que les dieux préféraient des offrandes de viandes à des offrandes de fruits. On commença par des fruits ; mais bientôt on en vint aux moutons, aux bœufs, et, ce qui est exécrable, à la chair humaine. L’auteur sacré n’entre point ici dans ce détail, il ne dit pas même que Dieu mangeait les agneaux présentés par Abel ; mais vous verrez bientôt, dans l’histoire d’Abraham, que les dieux mangèrent chez lui. (Id.)
  2. Il n’y a rien d’allégorique, encore une fois, dans tout ce récit. Dieu rejette positivement ce que l’aîné Caïn lui donne, et agrée les viandes du cadet ; l’aîné s’en fâche, et tue son frère à quelques pas de Dieu même. Dieu emploie la même ironie dont il s’était servi avec Adam et Eve ; et Caïn répond insolemment, comme un méchant valet qui n’a nulle crainte de son maître. (Id.)
  3. Il est étonnant, disent les critiques, que Dieu pardonne sur-le-champ à Caïn l’assassinat de son frère, et qu’il le prenne sous sa protection.

    Il est étonnant qu’il lui donne une sauvegarde contre tous ceux qui pourraient le tuer, lorsqu’il n’y avait que trois personnes sur la terre, lui, son père et sa mère.

    Il est étonnant qu’il protège un assassin, un fratricide, lorsqu’il vient de punir à jamais et de condamner aux tourments de l’enfer tout le genre humain, parce que Adam et Eve ont mangé du bois de la science du bien et du mal.

    Mais il faut considérer qu’il n’est jamais question dans le Pentateuque de cette damnation du genre humain, ni de l’enfer, ni de l’immortalité de l’âme, ni d’aucun de ces dogmes sublimes qui ne furent développés que si longtemps après. On tira ces notions en interprétant les Écritures, et en les allégorisant. L’écrivain sacré ne donne d’autre punition à Adam que de manger son pain à la sueur de