Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/239

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élisée la fit donc revenir, puis lui dit : tu auras[1] un enfant dans ta matrice, si à dieu plait, dans un an… cette femme eut donc un fils au bout de l’année… l’enfant mourut. La mere fit seller son ânesse, et alla trouver l’homme de Dieu sur le mont Carmel[2]. Cette femme ayant fait des reproches à élisée, il dit à Gihézi son valet : mets ta ceinture, prends ton bâton et marche ; si tu rencontres quelqu’un, ne le salue point ; si on te salue, ne réponds point ; mets ton bâton sur le visage de l’enfant, pour le ressusciter. Gihézi courut donc, et mit son bâton sur le visage de l’enfant ; mais l’enfant ne branla point, et la parole et le sentiment ne lui revinrent point. Gihézi revint donc dire à son maître que l’enfant ne voulait pas ressusciter. élisée entra donc dans la maison, et trouva l’enfant, mit sa bouche sur sa bouche, ses yeux sur ses yeux, ses mains sur ses mains, et se courba sur l’enfant. Et la chair de l’enfant se réchaufa ; et élisée descendant du lit se promena dans la maison par-ci par-là ; et puis il remonta, et se courba sur lui ; et l’enfant bâilla sept fois, et ouvrit les yeux[3]. élisée revint ensuite à Galgala ; il y avait une grande famine[4]. Les enfans des prophetes demeuraient avec lui ; et il dit à un valet : prends une grande marmite, et fais à manger pour les

  1. nous ne sommes pas de ces gausseurs impies, qui prétendent que le texte insinue que le prophete fit un enfant à sa dévote ; nous sommes bien loin de soupçonner une chose si incroyable d’un disciple de prophete, devenu prophete lui-même, et auquel il n’a manqué qu’un char de feu, et quatre chevaux de feu, pour égaler élie.
  2. on demande pourquoi élisée envoie son valet ressusciter le petit garçon avec son bâton, puisqu’il savait bien que son valet ne le ressusciterait pas. On demande pourquoi il lui ordonne de ne saluer personne en chemin. Il est clair que c’est pour aller plus vite ; et Calmet remarque que Jesus-Christ ordonne la même chose à ses apôtres dans st Luc. Mais pourquoi courir si vite pour ne rien faire ?
  3. les incrédules se moquent de ce miracle d’élisée et de toutes ses simagrées, et de toutes ses contorsions ; ils disent que ce n’est là qu’une fade imitation du miracle d’élie, qui ressuscita le fils de la veuve de Sarepta. Mais il y a un sens mystique ; et ce sens est, qu’il faut se proportionner aux petits pour leur faire du bien. Le révérend pere Don Calmet, profond dans l’intelligence de l’écriture, ne doute pas, après plusieurs autres peres, que le bâton du valet d’élisée ne soit évidemment la synagogue, et qu’élisée ne soit l’église romaine.
  4. et encore famine, et toujours famine ; et toujours preuve, que ce beau pays de Canaan, avec ses montagnes pelées, ses cavernes, ses précipices, son lac de Sodome et son désert de sables et de cailloux, n’était pas tout-à-fait aussi fertile que de bonnes gens le chantent ; et qu’il en faut croire st Jérôme plutôt que les espions de Josué, qui rapporterent sur une civiere un raisin que deux hommes avaient bien de la peine à soulever. (Id.) — Par l’expression de bonnes gens qui chantent la fertilité de la Judée, Voltaire désigne l’abbé Guenée, auteur des lettres de quelques Juifs, auxquelles il répondit par un Chrétien contre six Juifs, et qui a donné depuis, en quatre Mémoires, des recherches sur la Judée. (B.)