Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/247

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Mais Ozée ayant voulu se révolter contre lui, il fut pris et mis en prison chargé de chaînes… Salmanasar dévasta tout le pays ; et étant venu à Samarie, il l’assiégea pen-

    ils ne vont point à la guerre, et que les deux grands objets de leur vie sont la propagation et l’usure, doublons seulement leur nombre depuis le douzieme siecle, et nous aurons aujourd’hui dans notre continent quatre millions neuf cents vingt mille juifs, tous gagnant leur vie par le commerce ; et il faut avouer qu’il y en a d’extrêmement riches depuis Bassora jusques dans Amsterdam et dans Londres. D’après ce compte, très modéré, il se trouverait que le peuple d’Israël serait, non seulement plus nombreux que les anciens parsis ses maîtres, dispersés comme lui depuis Omar, mais plus nombreux qu’il ne le fut lorsqu’il s’enfuit d’égypte en traversant à pied la mer Rouge. Mais aussi il faut considérer, qu’on accuse le voyageur Benjamin De Tudele d’avoir beaucoup exagéré suivant l’usage de sa nation et de presque tous les voyageurs. La relation du rabbi Benjamin ne fut traduite en notre langue qu’en 1729 à Leide ; mais cette traduction étant fort mauvaise, on en donna une meilleure en 1734 à Amsterdam. Cette derniere traduction est d’un enfant de onze ans, nommé Baratier, français d’origine, né dans le margraviat de Brandebourg-Anspach. C’était un prodige de science, et même de raison ; tel qu’on n’en avait point vu depuis le prince Pic De La Mirandole. Il savait parfaitement le grec et l’hébreu dès l’age de neuf ans ; et ce qu’il y a de plus étonnant, c’est qu’à son âge il avait déjà assez de jugement pour n’être point l’admirateur aveugle de l’auteur qu’il traduisait : il en fit une critique judicieuse ; cela est plus beau que de savoir l’hébreu. Nous avons quatre dissertations de lui, qui feraient honneur à Bochart, ou plutôt qui l’auraient redressé. Son pere, ministre du saint évangile, l’aida un peu dans ses travaux ; mais la principale gloire est due à cet enfant. Peut-être même ce singulier traducteur, et ce plus singulier commentateur, méprise trop l’auteur qu’il traduit ; mais enfin il fait voir, qu’au moins Benjamin De Tudele n’a point vu tous les pays que ce juif prétend avoir parcourus. Benjamin s’en rapporta sans doute dans ses voyages aux discours exagérés, emphatiques et menteurs, que lui tenaient des rabbins asiatiques, empressés à faire valoir leur nation auprès d’un rabbin d’Europe. Il ne dit pas même qu’il ait vu certaines contrées imaginaires dans lesquelles on disait que les juifs de la premiere dispersion avaient fondé des états considérables. " la ville de Théma, dit Benjamin, est la capitale des juifs au nord des plaines de Sennaar ; leur pays s’étend à seize journées dans les montagnes du nord : c’est là qu’est le rabbi Hanan, souverain de ce royaume. Ils ont de grandes villes bien fortifiées ; et delà ils vont piller jusqu’aux terres des arabes leurs alliés : ils sont craints de tous leurs voisins. Leur empire est très vaste ; ils donnent la dixme de tout ce qu’ils ont aux disciples des sages qui demeurent toujours dans l’école, aux pauvres d’Israël, et aux pharisiens, c’est-à-dire à leurs dévots. " dans toutes ces villes il y a environ trois cents mille juifs ; leur ville de Tanaï a quinze milles en longueur, et autant en largeur. C’est là qu’est le palais du prince Salomon. La ville est très belle, ornée de jardins et de vergers, etc. ". Benjamin ne dit point du tout qu’il ait été dans ce pays de Théma, ni dans cette ville de Tanaï : il ne nous apprend pas non plus de quels juifs il tient cette relation chimérique. Il est sûr qu’on ne peut le croire ; mais il est sûr aussi, que s’il est un juif ridiculement trompé par des juifs de Bagdad et de Mésopotamie, il n’est point un menteur qui dit avoir vu ce qu’il n’a point vu. Benjamin probablement alla jusqu’à Bagdad et à Bassora : c’est là qu’il