Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/257

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tous les princes, tous les hommes vigoureux de l’armée, au nombre de dix mille, et tous les hommes ouvriers, et tous les orfevres… il fit transporter à Babylone Joachim, et la mere de Joachim, et ses femmes, et ses eunuques, et les juges, de la terre de Juda en captivité ; et sept mille hommes robustes de Juda, et tous les ouvriers robustes ; ils furent tous captifs à Babylone… et il établit Roitelet tributaire Mathania oncle de Joachim, qu’il appella Sédécias…

    peuples voisins allassent au-devant de son joug. En effet, Jérémie se mettait un joug de bœuf ou un bât d’âne sur les épaules, et criait dans Jérusalem : voici ce que dit le seigneur roi d’Israël : c’est moi qui ai fait la terre, et les hommes et les bêtes de somme dans ma force grande et dans mon bras étendu ; et j’ai donné la face de la terre à celui qui a plu à mes yeux ; j’ai donné la terre à la main de Nabucodonosor mon serviteur ; et je lui ai donné encore toutes les bêtes des champs ; et tous les peuples de la terre le serviront, lui et son fils, et les fils de ses fils ; et ceux qui ne mettront pas leur cou sous un joug et sous un bât devant le roi de Babylone, je les ferai mourir par le glaive, par la famine, et par la peste, dit le seigneur . Jamais il ne s’est rien dit de plus fort en faveur d’aucun roi juif. Jérémie fait dire à Dieu-même que ce Nabucodonosor, qui fut depuis changé en bœuf, est le serviteur de Dieu, et que Dieu lui donne toute la terre à lui et à sa postérité. Ainsi donc, humainement parlant, Jérémie est un traître et un fou aux yeux de ces critiques : un traître, parce qu’il veut soulever le peuple contre son roi, et le livrer aux ennemis : un fou, par toutes ses actions et par toutes ses paroles, qui n’ont ni liaison, ni suite, ni la moindre apparence de raison. Ils alleguent sur-tout la fameuse lettre de Seméia au pontife Sophonie : Dieu vous a établi pour faire fouetter à coups de nerfs de bœuf ce fou de Jérémie qui fait le prophete . Ce qui les confirme encore dans leur opinion, c’est que les juifs retirés en égypte, où Jérémie se retira aussi, le punirent de mort comme un perfide, qui avait vendu son maître et sa patrie aux babyloniens. Mais c’est la seule tradition qui nous apprend que Jérémie fut lapidé par les juifs dans la ville de Taphni ; les livres juifs ne nous en disent rien. à l’égard de tant de prisonniers de guerre que Nabucodonosor serviteur de Dieu fit mourir impitoyablement, ce sont là des mœurs bien féroces. Les juifs avouent qu’ils ne traiterent jamais autrement les autres petits peuples qu’ils avaient pu subjuguer ; ainsi l’histoire ancienne, ou véritable ou fausse, n’est que l’histoire des bêtes sauvages dévorées par d’autres bêtes. M Du Marsais, dans son analyse, fait une réflexion accablante sur cette premiere destruction de Jérusalem, et sur les suivantes. Quoi, dit-il, l’éternel prodigue les miracles, les plaies et les meurtres, pour tirer les juifs de cette féconde égypte où il avait des temples sous le nom d’iaho le grand être, sous le nom de Knef l’être universel ; il conduit son peuple dans un pays où ce peuple ne peut lui ériger un temple pendant plus de cinq siecles ; et enfin quand les juifs ont ce temple, il est détruit ! Cela effraie le jugement et l’imagination ; on reste confondu quand on a lu cette inconcevable histoire ; il faut se consoler en disant, qu’apparemment les juifs n’avaient point péché quand l’éternel les tira d’égypte, et qu’ils avaient péché quand l’éternel perdit son temple et la ville.