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342 REMONTRANCES

liommos moins malheureux, en substituant les vraies lois à d'an- ciens préjugés barbares; c'est à qui perfectionnera l'art si néces- saire, si pénible et si méprisé, de tirer de la terre, notre seule nourrice, les vrais biens dont dépend la vie humaine ; c'est à qui protégera plus également toutes les conditions, à qui encouragera le mieux tous les travaux.

Les arts utiles et même les arts agréables sont heureusement exercés depuis la Russie, qui contient la cinquième partie de notre hémisphère, et qui n'existait pas au commencement de ce siècle, jusqu'à l'Espagne, qui trouva un nouveau monde il y a près de trois cents ans, qui le conquit, et qui s'affaiblit par cette conquête. L'Allemagne, après des guerres aussi funestes que légè- rement suscitées, a conçu qu'il vaut mieux cultiver la terre que la dévaster, et éclairer les hommes que répandre leur sang.

Les deux grandes puissances^ qui s'étaient choquées dans cette partie de l'Europe si prudente et guerrière ^ ne sont occu- pées aujourd'hui qu'à guérir leurs blessures. La mère de l'auguste princesse qui fait votre bonheur et le nôtre a donné l'exemple d'un gouvernement sage et juste '.

Il n'y a pas un prince d'Allemagne qui, depuis la dernière paix, n'ait travaillé à perfectionner chez lui l'agriculture, le com- merce et l'industrie.

Toute l'Italie est animée du même esprit, et si elle se plaint que le génie du siècle des Médicis ait disparu, elle s'applaudit que le siècle de la raison et de la saine politique ait succédé.

L'histoire ne fournit point d'exemple d'un pareil concert entre tant de nations. Mais qui a fait ce grand changement sur la terre? La philosophie, sire, la vraie philosophie, celle qui vient du cœur.

j\ous osons vous dire, au hasard même de vous déplaire, qu'aucun souverain n'a déployé dans un âge plus tendre cette raison supérieure et bienfaisante, que celui qui commença son règne par braver, avec ses dignes frères', un préjugé enraciné chez la moitié de la nation, et qui nous instruisit par son cou- rage lorsque nous tremblions pour ses jours. On l'a vu se consa- crer au travail, en permettant les plaisirs à sa cour; il est venu au secours de son peuple dans tous les accidents ; il a rendu la liberté au commerce et la vie à l'agriculture. Sévère pour lui- même et indulgent pour les autres, il a mis la frugalité, la sim-

1. La France et l'Angleterre.

2. L'Allemagne.

3. L'impératrice Marie-Thérèse, mère de Marie-Antoinette, reine de France.

4. Voyez tome XV, page 41 i».

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