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348 ■ A M. DU M***.

Plancarpin, de Rubruquis, et de Marc Paolo, qu'un chef des Tartares, étant près de mourir, récita à ses enfants la fable du vieillard qui donne à ses fils un faisceau de flèches à rompre ^

Avons-nous dans notre Occident quelque conte plus philo- sophique que celui qui est rapporté dans Oléarius au sujet d'Alexandre? J'en ai parlé dans une de ces brochures^ que je ne vous ai pas envoyées, parce qu'elles ne valent pas le port. La scène est au fond de la Baciriane, dans un temps où tous les princes de l'Asie cherchaient l'eau de l'immortalité, comme depuis, chez nos romanciers, la pUii)art des chevaliers errants cherchèrent la fontaine de Jouvence. Alexandre rencontre un ange dans la caserne où des mages l'assuraient qu'on puisait l'eau de l'immortalité. L'ange lui donne un caillou, « Rapporte- m'en un autre, lui dit-il, qui soit de même forme et de même poids, et alors je te ferai boire de cette eau que tu demandes, » Alexandre chercha et fit chercher partout. Après bien des peines inutiles, il prit le parti de choisir un caillou à peu près sem- blable, et d'y ajouter un peu de terre pour égaler les poids et les formes. L'ange Gabriel s'aperçut de la supercherie, et lui dit : « Mon ami, souviens-toi que tu es terre ; détrompe-toi de ton breuvage de l'immortalité, et ne prétends plus en imposer à Gabriel^ »

Cet apologue nous apprend encore qu'on ne trouve point dans la nature deux choses absolument semblables, et que les idées de Leibnitz sur les indiscernables étaient connues long- temps avant Leibnitz au milieu de la ïartarie^

Pour la plupart des contes dont on a farci nos ana, et toutes ces réponses plaisantes qu'on attribue à Charles-Quint, à Henri IV, à cent princes modernes, vous les retrouvez dans Athénée et dans nos vieux auteurs. C'est en ce sens seulement qu'on peut dire : Nihil sub sole novum^, etc.

��1. Voyages de Plancarpin, liiéruquis, Marc Paul, et Hayton, ch.wii d'Hayton, page 31. [Note de Voltaire.) — C'est aussi le sujet d'une àei fables de La Fon- taine, livre IV, fable xviii.

2. Dans la onzième des Lettres chinoises, etc.; voyez touie XXIX, page 489.

3. Oléarius, page 1G9. (?s'ote de Voltaire.)

4. On a fait usage de cette histoire dans un petit livre intitulé Lettres chi- noises, indiennes, et tai tares. (M,)

5. Ecclésiasle, i, 10.

��FIN DE L OPUSCULE INTITULE A M. DU M'

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