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A L'ACADÉMIE FRANÇAISE. 363

Oui, monsieur, un soldat ])cut répondre ainsi dans un corps de garde ; mais non pas sur le théâtre, devant les premières per- sonnes d'une nation, qui s'expriment noblement, et devant qui il faut s'exprimer de même.

Si vous demandez pourquoi ce vers,

Mais tout dort, et rarmée, et les vents, et Neptune,

est d'une beauté admirable, et pourquoi les vers suivants sont plus beaux encore, je vous dirai que c'est parce qu'ils expriment avec harmonie de grandes vérités, qui sont le fondement de la pièce. Je vous dirai qu'il n'y a ni harmonie ni vérité intéressante dans ce quolibet d'un soldat : Je n'ai pas entendu une souris trotter. Que ce soldat ait vu ou n'ait pas vu passer de souris, cet événement est très-inutile à la tragédie cVHamlet; ce n'est qu'un discours de Gilles, un proverbe bas, qui ne peut faire aucun elfet. Il y a tou- jours une raison pour laquelle toute beauté est beauté, et toute i sottise est sottise.

Les mêmes réflexions que je fais ici devant vous, messieurs, ont été faites en Angleterre par plusieurs gens de lettres. Rymer même, le savant Rymer, dans un livre ^ dédié au fameux comte Dorset, en 1693, sur l'excellence et la corruption de la tragédie, pousse la sévérité de sa critique jusqu'à dire « qu'il n'y a point de singe en Afrique-, point de babouin qui n'ait plus de goût que Shakespeare ». Permettez-moi, messieurs, de prendre un milieu entre Rymer et le traducteur de Shakespeare, et de ne regarder ce Shakespeare ni comme un dieu, ni comme un singe, mais de vous regarder comme mes juges ^

��SECONDE PARTIE.

Messieurs,

J'ai exposé fidèlement à votre tribunal le sujet de la querelle entre la France et l'Angleterre. Personne assurément ne respecte

1. The Tragédies of the last âge consiJered and examined, 1678, in-8°.

2. Page 124. (Note de Voltaire.)

3. On a mis dans un journal qu'il y avait des bouffonneries dans cette lettre : certes il ne s'y trouve d'autres bouffonneries que celles de ce Shakespeare, que l'académicien est oblige de rapporter. Nous ne sommes pas assez grossiers en France pour bouffonner avec les premières personnes de l'État qui composent l'Académie. {Note deVoltaire.) — Ceite note est posthume; voyez l'Avertissement.

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