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372 AU ROI

Il est certain qu'avant que Sa Majesté eût la bonté de donner son édit, Gex ne pouvait pas consommer le sel qu'il emploie aujourd'hui ; parce qu'en tout pays, lorsqu'une marchandise est chère, on en achète moins : on se retranche sur toutes les dépenses. Gex en usait ainsi à l'égard de son sel. On n'en donnait point aux bestiaux, qui dépérissaient ; la traite des fromages était diminuée de moitié ; les finances du roi en souffraient : et quelque petit que soit cet objet, tout ce qui concerne les intérêts du roi est sacré pour les états.

Ils demandent donc aujourd'hui que les fermiers généraux leur fournissent annuellement les quatre mille cinq cents quin- taux dont ils ont un besoin essentiel, et qu'ils les fournissent au même prix que Sa Majesté leur a ordonné de le vendre à Genève.

Et si la ferme générale ne peut nous livrer la quantité de sel que nous demandons, ou si elle ne peut nous le faire parvenir dans le temps où nous en avons besoin pour nos salaisons, nous deman- dons, en ce cas, la permission d'acheter à Berne le supplément de sel qui nous sera nécessaire.

C'est dans cet esprit que nous nous sommes adressés à Berne lorsque nous n'avons point reçu de sel de la ferme générale. Berne nous en donna deux mille quintaux, au mois de février de cette année 1776.

Ce sel ayant été entièrement consommé, et n'en ayant point reçu d'autre au mois d'octobre, nous nous sommes une seconde fois adressés à Messieurs de Berne. Mais pendant ce temps-là même il est arrivé qu'un homme sans aveu, nommé Roze, étranger dans le pays de Gex, ci-devant soldat et déserteur dans la légion de Condé, et maintenant garde-magasin à Versoi, s'est ingéré de faire pour son compte un marché de six mille quintaux de sel blanc, avec le président de la chambre des sels de Berne, Cet homme, n'ayant pas de quoi payer un marché aussi considé- rable, s'est associé avec un commis de la poste de Versoi, qui n'est guère plus en état que lui de soutenir une telle entreprise. Ces deux hommes étaient protégés par un troisième qu'on ne con- naît pas.

Les états, indignés d'un tel monopole qui tendait à faire en France une contrebande dangereuse, ont eu l'honneur d'en écrire au ministère, et ont député un gentilhomme à Berne pour sup- plier le conseil de résilier le marché de Roze, et de n'accorder jamais à la province que le sel dont les états certifieraient que la province aurait un besoin réel.

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