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376 REQUÊTE AU ROI

qu'ils étaient les serfs mainmortables du chapitre, lequel avait sur eux droit de rie et de mort. La reine, alors régente, exhorta d'abord ces clercs à user de modération. Ces chanoines répon- dirent qu'il n'appartenait pas à la reine de mettre la main à l'en- censoir; et, au lieu de relâcher ces malheureux citoyens, ils plongèrent dans le même cachot leurs femmes et leurs filles. La reine, justement indignée. Tint elle-même à la porte delà prison, la fit enfoncer, donna le premier coup de marteau, délivra les prisonniers, et les affranchit pour jamais.

Saint Louis, son petit-fils ^ qui combattit pour délivrer les chrétiens d'esclavage en Egypte et en Syrie, ne souffrit pas qu'ils fussent réduits en servitude dans son royaume. Il donna la liberté à ses sujets immédiats, et exhorta ses grands vassaux à rimiter.

Louis X, dit le Hutin, donna, en 1315, ce célèbre édit par lequel il déclare que « chacun de ses sujets doit naître franc ; que son royaume est le royaume des P'rancs ; qu'il veut que la chose soit accordante au nom ». Philippe le Long renouvela cet éûit en 1318. Le pape Alexandre III, dans un concile tenu à Rome, approuva et ratifia ces maximes de nos généreux monarques-; et c'est depuis ce temps que tout esclave d'un étranger devient libre dès qu'il a touché le territoire de votre royaume.

En 1296, Philippe le Bel, dans son parlement de la Toussaint, supprima pour toujours la servitude dans laquelle gémissaient encore plusieurs familles de Languedoc.

Sous Charles VU, quelques serfs de Catalogne s'étant réfugiés dans le ressort du parlement de Toulouse, ce tribunal rendit un arrêt portant que tout homme qui entrerait en Franco en criant France! serait dès ce moment affranchi.

Henri II donna deux édits par lesquels il assura une pleine franchise à ses sujets. Les deux Bourgognes ne se ressentirent pas encore de ces magnanimités. En vain le roi d'Espagne, maître de la comté mal nommée Franche, voulut abolir la servi- tude par son édit de 1585 : les moines, qui s'étaient arrogé le droit d'avoir des esclaves, l'emportèrent sur Philippe IL

JNous supplions, sire, Votre Majesté de daigner considérer que depuîs poule feu roi de Sardaigne, dont les petites-filles viennent d'épouser vos augustes frères, supprima la servitude en Savoie

1 . C'est par une singulière distraction que Voltaire appelle saint Louis petit- fils de la reine Blanche, sa mère.

2. Les monarques dont parle ici Voltaire ne régnèrent que depuis la mort d'Alexandre III ; voyez tome XI, page i06.

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