Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/410

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qui gouverne la jeune reine ; et la reine gouverne le roi son mari. Louis XIV prend parti contre la princesse, et enfin la fait renvoyer. La reine pleure ; elle est inconsolable. Il y avait entre elle et cette princesse une amitié fondée sur ce besoin d'une confiance réciproque, qui rend si souvent les femmes nécessaires les unes aux autres. Le rédacteur ne dit pas tout, et on peut douter même qu'il ait été instruit de tout. Il ne parle point de cette plaisante apostille que mit .M""= des Ursins à une lettre in- terceptée qui fit tant de bruit dans l'Europe. On lui reprochait dans la lettre d'avoir épousé secrètement un Français attaché à elle, nommé d'Aubigny. Elle écrivit en marge : Pour épousé, non.

Ces tracasseries ne finirent que par son exil ; elles recom- mencèrent à son rappel.

Les jalousies toujours renaissantes entre les courtisans fran- çais de Philippe et ses courtisans espagnols, les cabales du con- fesseur et celles des autres moines, ne finissent point. Ce sont des matériaux pour un Suétone. Les affaires politiques et mili- taires en serviraient à Tite-Live. C'est là malheureusement que les Mémoires du maréchal Adrien, duc deXoailles, manquent au rédacteur. Ce fil de l'histoire est interrompu depuis l'année 1711 jusqu'à la mort de Louis XIV. On y perd toutes les anecdotes que la curiosité du public recherche avec tant d'activité sur la vie privée de ce monarque, sur celle de sa famihe et de toute sa cour. C'est le temps où il perdit son fils unique, regardé comme un bon prince, et le duc de Vendôme, l'amour de la France, le restaurateur de l'Espagne, le digne descendant de Henri IV. Ces morts sont bientôt suivies^ de celle de son petit-fils, le duc de Bourgogne, l'espérance de l'État, et il perd dans la même semaine la duchesse de Bourgogne, et le duc de Bretagne, frère aîné de Louis XV, alors au berceau. Toutes ces victimes précieuses tom- bent presque en même temps, et sont portées dans le même tombeau. Peu de jours après il voit encore expirer son autre petit-fils, frère du duc de Bourgogne et du roi d'Espagne. La reine d'Espagne les accompagne bientôt, à l'âge de vingt-six ans. Enfin Louis XIV suit toute sa famille ; il meurt entre les bras de M""* de Maintenon et du jésuite Le Tellier. Il meurt avec une piété sincère, mais trompé. Il laisse l'Ég-fise gallicane en com- bustion, désolée par Le Tellier ; toute la nation languissant dans la misère, et consternée de dix ans de défaites et de malheurs de toute espèce. Ses dettes montaient à deux milliards six cents

1. Voyez tome XIV, page 477.

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