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406 AVANT-PROPOS.

aux originaux, mais au-dessous de son génie. Sa gloire fut l'Es- prit des Lois; les ouvrages des Grotius et des Puffendorf n'étaient que des compilations ; celui de Montesquieu parut être celui d'un homme d'État, d'un philosophe, d'un bel esprit, d'un citoyen. Presque tous ceux qui étaient les juges naturels d'un tel livre, gens de lettres, gens de loi de tous les pays, le regardèrent et le regardent encore comme le code de la raison et de la liberté. Mais dans les deux sectes des jansénistes et des jésuites, qui exis- taient encore, il se trouva des écrivains qui prétendirent se signaler contre ce livre, dans l'espérance de réussir à la faveur de son nom, comme les insectes s'attachent à la poursuite de riiomme, et se nourrissent de sa substance. Il y avait quelques misérables profits alors à débiter des brochures théologiques, et en attaquant les philosophes. Ce fut une belle occasion pour le gazctier des Nouvelles ecclésiastiques, qui vendait toutes les semaines l'histoire moderne des sacristains de paroisse, des porte-dieu, des fossoyeurs et des marguilliers. Cet homme cria contre le président de Montesquieu: « Religion! religion! Dieu! Dieu ! » Et il l'appela déiste et athée, pour mieux vendre sa gazette. Ce qui semble peu croyable, c'est que Montesquieu daigna lui répondre. Les trois* doigts qui avaient écrit l'Esprit des Lois s'abaissèrent jusqu'à écraser, par la force de la raison et à coups d'épigrammes, -la guêpe convulsionnaire qui bourdonnait à ses oreilles quatre fois par mois.

Il ne fit pas le même honneur aux jésuites: ils se vengèrent de son indilïerence en publiant à sa mort qu'ils l'avaient con- verti. On ne pouvait attaquer sa mémoire par une calomnie plus lâche et plus ridicule. Cette turpitude fut bientôt reconnue, lorsque, peu d'années après, les jésuites furent proscrits sur le globe entier, qu'ils avaient trompé par tant de controverses et troublé par tant de cabales.

Ces hurlements des chiens du cimetière Saint-Médard, et ces déclamations de quelques régents de collège, ex-jésuites, ne furent pas entendus au milieu des applaudissements de l'Europe. Cependant une petite société desavants, nourris dans la connais- sance des affaires et des hommes, s'assembla longtemps pour examiner avec impartialité ce livre si célèbre. Elle fît imprimer, pour elle et pour quelques amis, vingt-quatre exemplaires de son travail, sous le titre d'Observations sur l'Esprit des Lois^, en

��1. Les Observations sur te livre intitulé V Esprit des Lois, divisées en ,trots parties, 1757-1758, trois volumes petit-in-S", sont de Claude Dupin, fermier gcné-

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