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SUR L'ESPRIT DES LOIS. 431

donnent l'idée de cette vertu dont nous parlent nos mission- naires. » (Page U2, liv. VIII, chap. xxi.)

Encore une fois, j'aurais souhaité que l'auteur eût plus parlé des vertus qui nous regardent, et qu'il n'eût point été cherclicr des incertitudes à six mille lieues. Nous ne pouvons connaître la Chine que par les pièces authentiques, fournies sur les lieux, rassemblées par Duhalde, et qui ne sont point contredites.

Les écrits moraux de Confucius, publiés six cents ans avant notre ère, lorsque presque toute notre Europe vivait de glands dans ses forêts ; les ordonnances de tant d'empereurs, qui sont des exhortations à la vertu; des pièces de théâtre même qui l'en- seignent, et dont les héros se dévouent à la mort pour sauver la vie à un orphelin*; tant de chefs-d'œuvre de morale traduits en notre langue : tout cela n'a point été fait à coups de bâton. L'au- teur s'imagine ou veut faire croire qu'il n'y a dans la Chine qu'un despote, et cent cinquante millions d'esclaves qu'on gouverne -comme des animaux de basse-cour. Il oublie ce grand nombre de tribunaux subordonnés les uns aux autres ; il oublie que quand l'empereur Kang-hi voulut faire obtenir aux jésuites la permission d'enseigner leur christianisme, il dressa lui-même leur requête à un tribunal.

Je crois bien qu'il y a dans ce pays si singulier des préjugés ridicules, des jalousies de courtisans, des jalousies de corps, des jalousies de marchands, des jalousies d'auteurs, des cabales, des friponneries, des méchancetés de toute espèce, comme ailleurs ; mais nous ne pouvons en connaître les détails. Il est à croire que les lois des Chinois sont assez bonnes, puisqu'elles ont été tou- jours adoptées par leurs vainqueurs, et qu'elles ont duré si long- temps. Si Montesquieu veut nous persuader que les monarchies de l'Europe, établies par des Goths, des Gépides, et des Alains, sont fondées sur l'honneur, pourquoi veut-il ôter l'honneur à la Chine ?

XXXV.

« Dans les villes grecques, l'amour n'avait qu'une forme, que l'on n'ose dire. )>

Et en note il cite Plutarque, auquel il fait dire : « Quant au vrai amour, les femmes n'y ont aucune part. Plutarque parlait comme son siècle. » (Page 116, liv. VII, chap. ix.)

Il passe de la Chine à la Grèce, pour les calomnier l'une et

\. C'est le sujet de la tragédie de VOrplielin de la Chine, qui est lonic V, page 291.

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