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452 COMMENTAIRE

conféraient à plusieurs chefs de tribus chez les Francs, pour les attacher, si l'on pouvait, au service de l'empire. Ainsi ayant at- taqué Siagrius, il pouvait être regardé comme un rebelle et comme un traître. Il pouvait être puni, si la fortune des Romains changeait. Les évêques pouvaient surtout armer les peuples contre lui. Le vieillard vénérable saint Rémi, évêque de Reims, avait écrit à Clovis, vers le temps de son expédition contre Sia- grius, cette fameuse lettre que l'abbé Dubos fait tant valoir, et que Daniel a ignorée : u INous avons appris que vous êtes maître de la milice ; n'abusez point de votre bénéfice militaire. A'e disputez point la préséance aux évêques de votre département ; demandez toujours leurs conseils. Élevez vos compatriotes, mais que votre prétoire soit ouvert à tout le monde... Admettez les jeunes gens à vos plaisirs, et les vieillards à vos délibérations, etc. »

Cette lettre était d'un père qui donne des leçons à son fils. Elle fait voir tout l'ascendant que la réputation prenait sur la puissance. La grâce fit le reste, et, bientôt après, Clovis se fit non- seulement chrétien, mais orthodoxe.

Le jésuite Daniel embellit son histoire en supposant qu'il fit une harangue à ses soldats pour les engager à se faire chrétiens comme lui, et qu'ils crièrent tous de concert : « Nous renonçons aux dieux mortels, et nous ne voulons plus adorer que l'immortel. Nous ne reconnaissons plus d'autre Dieu que celui que le saint évêque Rémi nous prêche. »

Il n'est pas vraisemblable que toute une armée ait répondu à son roi par une antithèse, et par une longue phrase étudiée. Daniel aurait dû songer que les Francs de Clovis croyaient leurs dieux immortels, tout comme les jésuites croyaient ou feignaient de croire à l'immortalité de leur François Xavier et de leur Ignace de Loyola.

Il est triste que Clovis, étant à peine catéchumène, fit tuer Siagrius, que les Visigoths lui avaient remis entre les mains. Il est encore plus triste qu'ayant été baptisé longtemps après il séduisit un prince franc de ses parents, nommé Sigebert, et mar- chanda avec lui un parricide. Sigebert assassina son père, qui régnait dans Cologne ; et Clovis, au lieu de payer l'argent promis, l'assassina lui-même, et se rendit maître de la ville. Il traita de même un autre prince nommé Kararic.

Il y avait un autre Franc, nommé Ragnacaire, qui comman- dait dans Cambrai. Il fit un marché avec les propres soldats de ce Ragnacaire pour l'assassiner ; et quand les meurtriers lui de- mandèrent leur salaire, il les paya en fausse monnaie.

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