Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/504

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
494
DIALOGUES

Pandore est bien plus belle, et rend mieux raison des erreurs et des calamités du genre humain.

Confiez-moi à présent ce que vous pensez du système d’Aristote, car je vois bien que celui de Platon ne vous plaît pas.

Évhémère.

J’ai vu Aristote : il m’a paru doué d’un esprit plus étendu, plus solide, que celui de Platon son maître, plus orné de vraies connaissances. Il est le premier qui ait réduit le raisonnement en art. On avait besoin de sa méthode nouvelle. J’avoue, que pour les esprits bien faits, elle est bien inutile et fatigante ; mais elle est très-utile pour éclaircir les équivoques des sophistes dont la Grèce fourmille. Il a défriché le champ immense de l’histoire naturelle. Son histoire des animaux est un bel ouvrage, et, ce qui m’étonne encore plus, c’est à lui que nous devons les meilleures règles de la poétique et de la rhétorique ; il en parle mieux que Platon, qui se piquait tant de bel esprit.

Aristote admet, comme Platon, un premier moteur, un Être suprême, éternel, indivisible, immobile. Je ne sais si, en disant que le ciel est parfait, il a raison d’en apporter pour preuve que ce ciel contient des choses parfaites. Il veut dire apparemment que les planètes qui sont dans le ciel contiennent des dieux, et en cela il condescende la superstition du vulgaire des Grecs, qui croit ces planètes habitées par des divinités, ou plutôt qui le dit sans le croire.

Il affirme que le monde est unique. Il en donne pour raison que, s’il y avait deux mondes, la terre de l’un irait nécessairement chercher la terre de l’autre, et que ces deux terres sortiraient chacune de leur lieu : cette assertion fait voir qu’il n’a pas su plus que nous si la terre tourne autour du soleil, son centre, et quelle est la force par laquelle elle est retenue dans la place qu’elle occupe. Il y a, chez les nations que nous appelons barbares, des philosophes qui ont découvert ces vérités ; et je vous dirai en passant que les Grecs, qui se vantent d’enseigner les autres nations, ne sont peut-être pas encore dignes d’écouter ces prétendus barbares.

Callicrate.

Vous m’étonnez ; mais continuez.

Évhémère.

Aristote croit que ce monde, tel que nous le voyons, est éternel ; et il reprend Platon de l’avoir déclaré engendré et incorruptible. Vous pensez avec moi qu’ils disputaient tous deux