Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/62

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Hémor alla en parler à Jacob ; et il en parla aussi aux enfans de Jacob. Il leur dit : allions-nous ensemble par des mariages ; donnez-nous vos filles, et prenez les nôtres ; demeurez avec nous. Cette terre est à vous : cultivez-la, possédez-la, faites y commerce. Sichem parla de-même ; il dit : demandez la dot que vous voudrez, les présens que vous voudrez ; vous aurez tout, pourvu que j’aie Dina. Les fils de Jacob répondirent frauduleusement à Sichem et à son pere : il est illicite et abominable parmi nous de donner notre sœur aux incirconcis : rendez-vous semblables à nous, coupez vos prépuces, et alors nous vous donnerons nos filles, et nous prendrons les vôtres, et nous ne ferons qu’un peuple. La proposition fut agréable à Sichem, à Hémor et au peuple. Tous les mâles se firent couper le prépuce ; et au troisieme jour de l’opération, Siméon et Lévi, freres de Dina, entrerent dans la ville, massacrerent tous les mâles, tuerent surtout le roi Hémor et le prince Sichem ; après quoi tous les autres fils de Jacob vinrent dépouiller les morts, saccagerent la ville, prirent les moutons, les bœufs, et les ânes, ruinerent la campagne et emmenerent les femmes et les enfans captifs. Sur ces entrefaites, Dieu dit à Jacob [1] : leve-toi, va à Bethel,

    partie de l’ancien testament, et rejetter l’autre ? Si l’atrocité horrible des hébreux révolte le lecteur dans l’histoire de Dina ; nous lui verrons commettre d’autres horreurs, qui rendent celle-ci vraisemblable. Dieu, qui conduisit ce peuple, ne le rendit pas impeccable. On sait assez combien il était grossier et barbare. Quel que fut l’âge de Dina et des patriarches enfans de Jacob, le saint-esprit déclare qu’ils mirent à feu et à sang toute une ville où ils avaient été reçus comme freres ; qu’ils massacrerent tout, qu’ils pillerent tout, qu’ils emporterent tout, et que jamais assassins ne furent ni plus perfides, ni plus voleurs, ni plus sanguinaires, ni plus sacrileges. Il faut absolument ou croire cette histoire, ou refuser de croire le reste de la bible. (Note de Voltaire)

  1. plusieurs critiques ont remarqué avec étonnement et avec douleur que le dieu de Jacob ne marque ici aucun ressentiment du massacre des sichémites, lui qui menaça de punir sept fois celui qui tuerait Caïn, et soixante et dix fois sept fois ceux qui tueraient Lamech. On ne dit point quels étaient ces dieux étrangers que ses domestiques avaient amenés de Mésopotamie : on croit qu’ils étaient les mêmes que les théraphim de Rachel. Dieu bénit encor Jacob, et lui promet que des rois sortiront de ses reins. Des critiques ont supposé que Dieu seul étant le roi des hébreux, Moyse, qui était le lieutenant de Dieu, ne pouvait regarder comme une bénédiction la promesse de faire sortir des rois des reins de Jacob, attendu que lorsque dans la suite les juifs eurent des rois, le prophête Samuël regarda ce changement comme une malédiction, et dit expressément au peuple que c’était trahir Dieu et renoncer à lui que de reconnaître un roi. Delà ces censeurs concluent témérairement, qu’il est impossible que Moyse ait écrit le pentateuque. Nous ne nous arrêterons point à de telles critiques. Seulement nous remarquerons encore que les iduméens,